L'homme et la nature by Peter Wohlleben

Auteur:Peter Wohlleben [Wohlleben, Peter]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Nature
Éditeur: Les Arènes
Publié: 2020-06-03T14:50:46+00:00

Cet effet de la forêt, je l’ai testé un jour avec la journaliste et animatrice télé Bettina Böttinger. Pour ce faire, nous avons commencé par nous promener dans la ville de Cologne. Nous avons mesuré la tension de Bettina une première fois entre les immeubles, les snack-bars et les stations de tramway, devant la caméra. J’étais un peu nerveux, car il s’agissait de montrer publiquement, preuve à l’appui, si tout était bien vrai. Le pouls et la tension de Bettina étaient élevés, ce qui ne voulait cependant rien dire – je ne savais pas quels étaient habituellement les résultats de ces mesures chez elle. Puis nous nous sommes rendus dans le Bergisches Land, dans une forêt de chênes, de charmes et de hêtres. Là, nous avons ressorti l’appareil de mesure, l’équipe qui filmait s’est préparée tandis que je scrutais ce qui s’affichait. Et bingo ! Les valeurs étaient beaucoup plus basses, les arbres étant apparemment aussi détendus que Bettina.

Bien entendu, un test unique ne remplace pas des études scientifiques. Il en existe d’ailleurs depuis longtemps, et il y en a sans arrêt de nouvelles. Outre notre pression sanguine, elles s’intéressent également à notre résistance. Car, en vous promenant dans les bois, vous faites sans doute plus pour vos défenses immunitaires que vous n’en avez conscience : vous bénéficiez des mesures que prennent les arbres pour se défendre.

Dès 1956, le biologiste russe Boris Tokin a montré que les résineux désinfectent littéralement leur environnement. Aux alentours de jeunes peuplements de pins, il n’a pour ainsi dire trouvé aucun germe dans l’air. La cause se trouvait dans les arbres eux-mêmes, qui sécrétaient des phytoncides, des antibiotiques végétaux59.

Pourquoi les résineux font-ils cela ? Parce qu’un ennemi invisible à nos yeux et en suspension dans l’air ne cesse de les attaquer. Dans chaque mètre cube d’air grouillent en effet jusqu’à dix mille spores de champignon60, prêtes à saisir la moindre occasion pour atterrir sur une branche cassée ou une écorce lésée. À partir de là, un champignon pousse dans l’arbre et le ravage lentement de l’intérieur. Le bois pourrit, l’arbre meurt. Il est donc compréhensible que nombre de conifères souhaitent s’y opposer le plus précocement possible. Et empêcher l’assaillant d’atterrir est encore la meilleure solution. Les feuillus, quant à eux, s’y prennent autrement avec les champignons, comme je l’ai appris lors d’une expédition dans la forêt primaire polonaise de Białowieża. Mais j’y reviendrai.

Les résineux, donc, combattent les spores de champignon à l’avance, ce dont profitent entre autres les personnes allergiques. Car vous absorbez inconsciemment les phytoncides à chaque inspiration, et ils ont dans votre corps le même effet anti-inflammatoire que sur les arbres. Ces phytoncides ont même une action anticancer, comme l’ont découvert des chercheurs japonais de la Nippon Medical School de Tokyo. Après avoir envoyé les participants à leur étude soit en forêt, soit en ville, ils constatèrent que les cellules tueuses et les protéines anticancer avaient augmenté dans le premier groupe, ce qui n’était pas le cas dans le second. Cette concentration accrue

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