L'Homme de ma vie by Aline Apostolska

L'Homme de ma vie by Aline Apostolska

Auteur:Aline Apostolska
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782764416952
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2012-12-21T00:00:00+00:00


Orléans

C’est l’Halloween. C’est son anniversaire. Aujourd’hui, à midi, il a eu sept ans. L’Halloween, c’est sa fête. Il est le sorcier de la transmutation. Il y a sept ans, il a transmuté la mort en vie, et tous les ans, à sa fête, en ce jour où beaucoup ne pensent qu’aux bonbons ou à leur party, moi sa mère, je pense à ce 31 octobre 1995 où lui, l’enfant à naître, a changé le danger de mourir en invective de vivre pleinement.

Ce soir, il passe l’Halloween avec son frère en prenant bien soin de rappeler que c’est sa fête pour avoir plus de bonbons. Cette année, il est déguisé en Ninja car d’une année à l’autre son critère demeure identique: Un déguisement qui ne comprend pas d’épée n’est pas un déguisement. D’ailleurs ce n’est pas un déguisement. Il porte l’épée et, à chaque anniversaire, compte le nombre d’années qui le séparent de l’âge requis pour s’initier à l’escrime. Il fait du cheval et me rappelle régulièrement ma promesse d’avoir un jour, un jour, un ranch avec des chevaux. Il est un chevalier et autour de lui nul n’en doute car ce n’est pas un jeu. Il est très vif, très joueur, très doué, très charmeur, très clown aussi. Mais être chevalier, c’est sérieux. Le bleu infini de son regard est variable. Dans la lumière passent régulièrement des stries de gravité, d’une gravité aussi insondable qu’inattendue. Il est né à midi un jour de ciel totalement bleu, mais un jour d’Halloween parfaitement glacial. Un jour où la froidure rendait la nature beauceronne exactement cristalline. Il semble porter en lui ces extrêmes et, depuis que je le connais, je ne sais jamais, quand il se précipite si spontanément vers moi, s’il va me sauter au cou ou à la gorge, s’il va m’embrasser ou me griffer, s’il va me déclamer son amour ou me déclarer la guerre.

Je lui dis: «Je me demande pourquoi on se dispute tout le temps tous les deux». Lui le sait: « C’est parce qu’on s’aime trop ». Son trop uni au mien crée de véritables épopées. Je suis sa reine, il est mon chevalier, harnaché dans l’armure étincelante offerte par son père. À nous deux, on va finir par faire tourner le monde à l’endroit. C’est-à-dire à notre façon. Il semble tous les jours lutter pour unir ses contraires. Je le vois et je sais. Là, c’est moi qui sais. Autant son frère et moi existons depuis toujours dans la différence et le face-à-face, autant lui et moi nous tenons du même côté et sommes pareils. Trop pareils. « Mais non, dit-il. Je suis blond et je suis un garçon. » N’empêche. Il ne faut pas se fier aux apparences. On est trop pareils et on s’aime trop. Ça fait une relation merveilleuse, mais certes pas de tout repos.

C’est un affectif colérique. Très affectueux et très en colère. Rarement un enfant est autant à l’écoute des autres, capable de décrypter les variations les plus subtiles. Alors, cela lui procure de bonnes raisons de se mettre en colère.



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