L'Homme-café by François Désalliers

Auteur:François Désalliers [Désalliers, François]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782764417898
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2012-12-10T00:00:00+00:00

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Vue de l’extérieur, la scène avait de quoi surprendre. Tout d’abord, il y a vait ce fameux banc de bois tur quoise qui exposait devant la fenêtre un homme enfoncé dans un grand sac de jute sur lequel on pouvait lire les mots imprimés en rouge: CAFÉ MOLLO. Et puis, juste à côté de ce banc, un panneau en plastique noir sur lequel se détac haient trois chiffres blancs: 158. C’était le nombre de jours qu’avait passés l’énergumène dans le café sans jamais en sortir. Un exploit pour les uns. La plus infâme stupidité pour les autres. Quoi qu’il en soit, ce tableau, presque surréaliste, était encore éclairé par de puissants projecteurs installés à l’e xtérieur du café. Le type, qui arborait parailleurs un bonnet de lutin sur la tête, semblait dormir. Les gens s’arrêtaient devant la vitre pour le regarder, comme les petits enfants le font encore au centre-ville de Montréal devant la vitrine animée d’Ogilvy ou de Holt Renfrew. Le spectacle n’était pas très animé, mais côté insolite on pouvait difficilement demander mieux.

À l’intérieur du café, l’ambiance était franchement décontractée. Tout le monde semblait de bonne humeur. Aux guirlandes, sapin, lumières de toutes sortes on avait encore ajouté des ballons multicolores çà et là sur les murs. Il y en avait aussi sur le sol qui virevoltaient dans les airs quand on s’approchait d’eux ouquand on ou vrait la porte. Dans un coin, près de la balance, Magdalena et Jacob s’embrassaient à bouche que veux-tu. Laura flirtait avec Yvan Bienvenu, son livreur préféré. Méo contait fleurette à une jolie jeune fille. Luigi, muni d’un chiffon propre, très propre, qu’il passait et repassait sur les chromes de ses deux nouveaux engins, était engagé dans une conversation avec Roger Sanschagrin, son représentant Coldstream, qui était venu lui rendre visite pour voir si tout allait bien. Oh là là, ça allait bien, oui monsieur, Luigi était satisfait. Il songeait même à agrandir, avec son fils Tony. Heureusement qu’il était là, celui-là. Derrière la caisse, il comptait et recomptait l’argent. Quelle bonne idée il avait eue de placer Jean-Marie en vitrine et de lui payer ce matériel d’artiste. Grâce à lui, la clientèle avait augmenté et elle continuait d’augmenter. Tony avait encore toutes sortes d’idées pour faire fructifier le capital.

En un mot, cette veille de Noël se déroulait plutôt bien. Vers dix-sept heures, il n’y eut presque plus de clients et l’on procéda à une distribution de cadeaux. Jean-Marie ne fut pas oublié. En plus du matér iel d’artiste composé de pinceaux, tubes de couleurs, nouvelles toiles blanches immaculées, Tony offrit à Jean-Marie un coton ouaté noir comme en portaient tous les employés ainsi qu’un béret basque de même couleur sur lequel le logo CAFÉ MOLLO était imprimé en lettres de feu: il faisait partie de la famille. Quant à Jean-Marie, il donna à chacun d’eux un dessin à l’encr e de Chine qui le r eprésentait. Les portraits, d’une hallucinante vérité, furent fort appréciés. Et puis, après les souhaits d’usage, à peu près tout le monde quitta le café.

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