L'Histoire comique de Francion by Charles Sorel

L'Histoire comique de Francion by Charles Sorel

Auteur:Charles Sorel [Charles Sorel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Libertin
Éditeur: Ligaran
Publié: 2015-05-21T00:00:00+00:00


Quand elle fut cessée, se souvenant d’avoir lu dans des romans que de certains amoureux s’étaient souvent pâmés en voyant leurs maîtresses, pour montrer qu’il était excessivement passionné, il se délibéra de feindre qu’il entrait en une grande faiblesse, et, en fermant ses yeux et entrouvrant un peu la bouche comme pour soupirer, il se laissa doucement tomber sur une chaise qui était derrière lui ; puis l’on ferma les fenêtres. Incontinent sa dame, reconnaissant sa badinerie, afin de se moquer de lui, envoya un laquais en sa maison pour savoir par bienséance quel mal lui avait pris si subitement, vu qu’il semblait qu’il se portât bien lorsqu’il avait joué du luth à sa fenêtre.

– Mon ami, dit-il avec une voix faible à ce laquais qu’on avait fait entrer jusques dans sa chambre, rapportez à votre maîtresse que je n’ai point de mal qu’elle ne m’ait causé.

Lorsque ceci lui fut redit, elle eut encore beau sujet de rire. La servante, voulant faire quelque chose pour notre comte, lui dit, peu de jours après, qu’elle lui donnerait moyen de discourir avec sa maîtresse et de passer plus outre par aventure, si le médecin, qui la tenait de court, allait quelque jour aux champs. Le comte, s’étant représenté que possible ce médecin serait toujours à la ville s’il ne l’en faisait sortir par quelque invention, tellement qu’il lui faudrait longtemps attendre, se résolut de prendre dans Paris quelque gueux qui fût malade et, l’ayant fait mener à une sienne seigneurie, de prier son voisin de l’aller visiter, lui faisant accroire que c’était un sien valet de chambre qu’il chérissait fort. Il trouva prou de bélîtres en délibération d’endurer que l’on les pansât de leurs maux, et choisit entre eux celui qui lui plut davantage. La chose se passa comme il se l’était figuré ; car l’espoir du gain, et l’occasion de prendre l’air, contraignirent le médecin à quitter sa maison ; c’était à la servante à jouer son rôlet de sa part. Elle dit à sa maîtresse :

– Vous avez tort, mademoiselle, quant à cela, de ne faire point de cas de ce beau monsieur, qui vous regarde tous les jours si piteusement. Eh ! que savou s’il ne s’accordera pas à vous épouser, encore qu’il soit plus riche que vous n’êtes ? Possible voudrait-il bien vous tenir toute breneuse, en peine de vous torcher le cul. Permettez-lui qu’il vous entretienne en l’absence de monsieur ; vous verrez ce qu’il a dans le ventre. »

« La maîtresse, voulant tirer du plaisir du comte, ne cria pas sa servante à cette fois-ci, mais lui assura qu’elle ne serait pas fâchée d’avoir la conversation de son amant. Elle le lui fit donc savoir par son laquais, et le voilà en un moment arrivé au logis de sa dame, qu’il trouva en la compagnie de celles qui l’avaient vu se pâmer. Après les paroles de courtoisie, ils vinrent à d’autres qui ne lui plurent guère, parce que l’on lui donnait toujours quelque plaisant trait, auquel il ne pouvait pas répondre.



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