Les yeux rouges (French Edition) by Myriam Leroy

Auteur:Myriam Leroy [Leroy, Myriam]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782021429053
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2019-08-13T22:00:00+00:00

Tout d’abord, j’allais jeûner trois jours. À l’eau si possible, au jus si jamais.

Ensuite, je me tartinerais le visage d’huile de chaulmoogra. Avec deux « o ». C’était un remède indien. Savais-je que là-bas c’était comme ça qu’on soignait la lèpre ? La naturopathe n’associait pas mes lésions à celles de la lèpre, que je me rassure, c’était surtout pour dire que, mine de rien, le remède était puissant.

La nature était puissante. Mortelle même parfois, mais c’était une autre histoire.

Et puis lors d’un prochain rendez-vous, on procéderait à une hydrothérapie du côlon. Non, pas un lavement. Une irrigation. Beaucoup plus radical qu’un lavement. Une heure avec un boyau dans l’anus, un jet à la température du corps et un massage doux de l’abdomen par la praticienne. C’était un peu douloureux au début, très peu, mais elle ne me cachait pas que les novices pouvaient ressentir une gêne. C’est-à-dire qu’on avait l’impression d’une défécation imminente sans pouvoir aller aux toilettes. Et pour cause, c’était le principe, il fallait faire ses besoins dans le tuyau. Celui-ci était transparent, ce qui permettait de vérifier la teneur de ce que j’expulsais. La technique était unique en son genre : elle favorisait l’élimination d’aliments fossilisés dans le côlon. Mais parfaitement, fossilisés. Des restes de nourriture coincés là-bas depuis plus de vingt ans parfois. Des résidus de protéines animales, le plus souvent. Je n’étais pas sans savoir que nous n’étions pas faits pour manger de la viande, n’est-ce pas ? Pas plus que des produits laitiers.

Et puis, la naturopathe m’encourageait à acheter un bidon de fertilisant pour jardins. On en trouvait dans les jardineries, mais si je désirais je pouvais aussi m’en procurer chez elle. Elle me conseillait de prendre tout de suite le format jumbo, cinq litres. Une fois mes cinq séances d’hydrothérapie terminées, j’en boirais un petit verre tous les matins. Pas de panique, ça avait le goût le jus de choucroute, on s’y faisait vite. Et c’était beaucoup plus efficace que tout ce qu’on vendait en pharmacie pour reconstituer la flore intestinale.

Dernier conseil. Elle avait déduit de mon anamnèse ayurvédique que j’étais un sujet Vata. Et qu’il était donc très important que j’évite de m’asseoir à table avec des pensées négatives. De même, je devais fuir les boissons gazeuses, les longs et fatigants voyages, les conversations animées ainsi que la lumière des ampoules électriques. Tout coucher après 22 heures était dommageable pour la santé Vata, absolument, et j’allais sans doute devoir réfléchir à donner un coup de barre à mon activité professionnelle parce qu’il faisait peu de doutes qu’elle était difficilement combinable avec l’hygiène de vie que cette dame recommandait aux profils similaires au mien.

Elle s’excusait. Elle était enrhumée. Les conséquences d’un début de jeûne sec entamé en pleine canicule. Mais c’était très bien, justement, ça voulait dire que son organisme se libérait de ses toxines. J’allais moi-même l’expérimenter lors de mes trois jours de diète. D’abord une phase de migraine, maux de ventre, diarrhées et encombrement des voies respiratoires. Et ensuite, la libération.

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