Les Trois Don Juan by Guillaume Apollinaire

Les Trois Don Juan by Guillaume Apollinaire

Auteur:Guillaume Apollinaire [Apollinaire, Guillaume]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
ISBN: 9781512023879
Google: vDmIrgEACAAJ
Éditeur: CreateSpace Independent Publishing Platform
Publié: 2015-05-03T12:07:12+00:00


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Parmi ses nombreuses connaissances, toutes distinguées par leur modestie et leur dévotion, se trouvait Doña Julia. De dire qu'elle était jolie, cela n'offrait qu'une très faible idée d'une foule de charmes qui lui étaient aussi naturels qu'aux fleurs le parfum, le sel à l'océan, la ceinture à Vénus et l'arc à Cupidon.

Le jais oriental de ses yeux rappelait son origine mauresque. Son sang n'était pas purement espagnol: dans ce pays c'est une espèce de crime. Quand tomba la fière Grenade et que Boabdil gémissait d'être forcé de fuir, quelques-uns des ancêtres de Julia passèrent en Afrique, d'autres restèrent en Espagne, et son archigrand'mère préféra ce dernier parti.

Alors elle épousa un hidalgo qui, par cette union, altéra le noble sang qu'il transmit à ses enfants. Cette païenne conjonction eut pour effet de renouveler une vie usée et d'embellir les traits de ceux dont elle flétrissait le sang. De la souche la plus laide des Espagnes sortit tout à coup une génération pleine de charmes et de fraîcheur. Les fils cessèrent d'être rabougris, les filles plates. Cependant la rumeur publique assure que la grand'mère de Doña Julia dut à l'amour plutôt qu'à l'hyménée les héritiers de son mari.

Cette race alla toujours en embellissant jusqu'à ce qu'elle se concentrât en un seul fils qui laissa une fille unique, Julia. Elle était mariée, chaste, charmante et âgée de vingt-trois ans.

Ses yeux étaient grands et noirs. On devinait sous ses paupières un sentiment qui n'était pas le désir, mais peut-être le serait-il devenu si son âme, en se peignant dans ce regard, ne l'eût rendu le siège de la chasteté.

Ses cheveux lustrés étaient rassemblés sur un front brillant de génie, de douceur et de beauté; l'arc de ses sourcils semblait modelé sur celui d'Iris; ses joues, colorées par les rayons de la jeunesse, avaient parfois un éclat transparent, comme si dans ses veines eût circulé un fluide lumineux.

Elle était mariée à un homme de cinquante ans: de tels maris, il y en a à foison. Au lieu d'un semblable il serait mieux d'en avoir deux de vingt-cinq, surtout dans les contrées plus rapprochées du soleil. Il est bien déplorable, en effet, dans ces régions que la chair soit si fragile en dépit des jeûnes et des prières.

Dans le moral septentrion tout est vertu, et les juges peuvent avec équité fixer l'amende de l'adultère.

Alfonso était un homme encore de bonne mine, et sans être chéri de Julia il n'en était pas non plus détesté. Ils vivaient ensemble comme le plus grand nombre, supportant d'un commun accord leurs défauts et n'étant exactement ni un ni deux. Cependant Alfonso était jaloux, mais il se gardait de le laisser paraître: la jalousie tremble toujours qu'on la reconnaisse.

Julia était l'amie intime de Doña Inès, on ne sait trop pourquoi. Aucuns prétendent, sans doute par méchanceté, qu'Inès, avant le mariage de Don Alfonso, avait oublié avec lui quelque chose de sa vertu habituelle. Conservant cette ancienne connaissance dont le temps avait bien purifié les sentiments, elle témoignait la même affection à l'épouse d'Alfonso.



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