Les soldats de l'Everest by Wade Davis

Les soldats de l'Everest by Wade Davis

Auteur:Wade Davis [Davis, Wade]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Montagne/Alpinisme, Aventure
ISBN: 9782251445632
Éditeur: Les Belles Lettres
Publié: 2016-02-12T05:00:00+00:00


CHAPITRE 10

Le sommet de leurs désirs

John Morris passa les premières années de la paix au fin fond de l’Inde, à 150 kilomètres environ au nord de Lucknow, près de la frontière népalaise, essayant, écrit-il, « de donner à ma vie désordonnée un semblant de direction – sans grand succès ». Officier britannique dans un régiment de Gurkhas, il aurait pu vivre comme un sahib, dans le confort et le luxe impériaux. Il préféra s’installer dans une tente, près des ruines d’un ancien camp britannique qui sentait le caveau et dont les jardins étaient envahis de végétation ; dans la bâtisse, la table de billard était parsemée d’une moisissure jaunâtre, et le plâtre des murs se fissurait de décrépitude. Son domestique indien, indigné par ces conditions de vie, démissionna : à quoi bon servir un Anglais qui refusait d’assumer sa supériorité intrinsèque ? Morris prit à son service un jeune Gurkha, peu éduqué mais très beau, qui avait « une façon de se mouvoir presque animale. Inconsciemment, je suppose, j’avais envie de dormir avec lui », avouait-il.

Menant une vie simple, avec ses petits conflits, si éloignée de la guerre, Morris était comme suspendu entre le passé et un futur oublié. Il était le plus improbable des soldats. Il ne connaissait pas grand-chose à la stratégie, mais beaucoup au combat rapproché. Sans ses monocles, il était presque aveugle, mais dans les tranchées il n’avait jamais hésité à tuer. Officier de carrière, il n’avait aucune ambition militaire : « Les années de guerre ont nourri en moi un dégoût de la compagnie des hommes. Je ressens un besoin urgent de me tenir à l’écart. »

Le Tibet était son obsession. Il en avait étudié la langue, il avait lu tous les livres et tous les rapports militaires disponibles, et il avait cherché par ses relations à se procurer toutes les informations existantes sur les routes qui y passaient. Il avait suivi d’aussi près que possible, compte tenu de son isolement, les exploits de la reconnaissance de 1921, et avait été durant plusieurs mois en correspondance avec le général Bruce. Le général voulait que Morris participe à l’équipe, mais il n’était pas aisé d’obtenir un congé à un officier en service actif. Bruce se rendit auprès des plus hautes autorités militaires du Raj. Quand un télégramme arriva enfin de Delhi demandant sa relève pour qu’il puisse se joindre à l’expédition de 1922, son officier supérieur ne donna son consentement qu’à la condition que les mois passés à l’Everest soient pris sur son temps de permission au pays. Cela voulait dire que Morris devrait attendre trois à quatre ans avant de retourner en Angleterre et de revoir ses parents ; il n’en saisit pas moins l’occasion : il n’était pas rentré chez lui depuis la fin 1915 et n’en avait pas grande envie.

Contrairement à beaucoup de ses pairs, Morris n’avait pas succombé à la fièvre de la guerre qui s’était emparée de Londres à l’été 1914. Le visage austère et figé de Lord Kitchener, qui figurait,



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