Les sept laïcités françaises by Jean Baubérot

Les sept laïcités françaises by Jean Baubérot

Auteur:Jean Baubérot [Baubérot Jean]
La langue: fra
Format: epub
Tags: France, laïcité, partis, Constitution, modèle
ISBN: 9782735120147
Éditeur: Éditions de la Maison des sciences de l’homme
Publié: 2019-09-12T07:28:10+00:00


L’acquiescement catholique à la laïcité en 1945

Arrêtons-nous sur la Déclaration de l’épiscopat français de novembre 1945 (cf. Lequin, 1994 : 272), texte important, peu connu, et qui, au-delà du vocabulaire d’époque, peut en partie constituer l’idéal-type de la laïcité ouverte, dans ses convergences et ses divergences avec les laïcités historiques.

Quatre sens sont donnés à l’expression « laïcité de l’État ». Le premier, approuvé, est « la souveraine autonomie de l’État dans son domaine de l’ordre temporel, son droit de régir tout seul l’organisation politique, judiciaire, administrative, fiscale, militaire de la société temporelle ». Les évêques condamnent le « cléricalisme […], immixtion du clergé dans le domaine politique de l’État », tendance d’« une société spirituelle à se servir des pouvoirs publics pour satisfaire sa volonté de domination ». Seconde acception agréée : l’idée que « l’État doit laisser chaque citoyen pratiquer librement sa religion ». Bien avant le Concile de Vatican II, les évêques français affirment : « L’Église [catholique] veut que l’acte de foi soit fait librement » et déclarent que cette Église « demande simplement [sa] liberté pour accomplir sa mission spirituelle et sociale ».

Ce double accord constitue un tournant. Ministre chrétien-démocrate du gouvernement, Maurice Schumann paraphrase les évêques à la Chambre des députés, dans un discours où il approuve, au nom du MRP, en 1946, le projet d’inscription de la laïcité dans la Constitution (proposé par les communistes). Quarante ans après, le pari effectué par Jean Jaurès est réussi. Cela ne signifie nullement une interprétation consensuelle de la laïcité.

Deux autres usages de l’expression « laïcité de l’État » sont rejetés par l’épiscopat. Le premier en fait « une doctrine philosophique [comportant] une conception matérialiste et athée de la vie humaine » que l’État imposerait « aux fonctionnaires jusque dans leur vie privée » et à « la nation toute entière ». Le propos n’est pas étonnant, surtout dans le contexte d’alors : Parti communiste au gouvernement, persécutions religieuses en URSS. Mais les évêques ajoutent que « l’État a pour mission d’assurer le bien commun » dont un élément constitutif est « l’influence bienfaisante de la religion sur les consciences individuelles […], les familles […], la société ». On trouve là une idée récurrente aux diverses tendances de la laïcité ouverte : l’importance, pour l’État, de l’utilité sociale de la religion. Cela va plus loin que le refus d’un État athée, c’est estimer que l’existence de religions constitue une bonne chose pour l’État et limite parfois de fait sa neutralité.

Le second usage désavoué est « la volonté de l’État de ne se soumettre à aucune morale supérieure et de ne reconnaître que son intérêt comme règle de son action ». Les évêques récusent l’idée qu’une loi « votée par une majorité » soit « nécessairement juste et s’impose à l’obéissance des citoyens : il faut qu’elle […] ne contienne rien de contraire à la loi naturelle ». Et ils concluent : « La loi naturelle […] se fonde sur la nature même de l’homme, et c’est là que la raison la découvre.



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