Les Rien-pensants by Lévy Élisabeth

Les Rien-pensants by Lévy Élisabeth

Auteur:Lévy Élisabeth
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 978-2-204-12326-6
Éditeur: Editions du Cerf
Publié: 2017-09-27T16:00:00+00:00


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Mai 2015. La ministre de l'Éducation nationale lance sa réforme du collège. La mesure phare : la suppression du latin-grec.

L'école pour personne

Depuis quarante ans, on nous fait la même promesse : demain tous les élèves seront premiers de la classe. Mais la réforme du Collège de Najat Vallaud-Belkacem est une déclaration de guerre contre l'excellence.

Je suis vernie. Je suis entrée au collège en 1973, alors que la réforme Haby était encore dans les tuyaux et je l'ai quitté avant qu'elle produise ses effets les plus désastreux. J'ai donc bénéficié de l'école à l'ancienne. Au collège Georges Martin à Épinay-sur-Seine, il n'y avait ni blouse grise ni coups de règle, mais des profs vaguement gauchistes qui faisaient cours la clope au bec. On n'avait pas inventé la transdisciplinarité ni les itinéraires-découvertes, mais au club théâtre, on avait monté Don Juan – Molière, pas Mozart. Les enfants des classes moyennes côtoyaient les fils de prolos, les enfants d'immigrés se fichaient de ce qu'ils mangeaient à la cantine, on se mélangeait gentiment sans savoir qu'on faisait de la mixité. C'était le chant du cygne de l'école de la République, mais on ne le savait pas.

Dans chaque classe, il y avait quelques cancres qu'on n'appelait pas « décrocheurs ». Jusqu'à 14 ans, on les obligeait à redoubler. On aurait trouvé inconcevable de faire passer dans la classe supérieure des élèves incapables de suivre. Mais une fois atteint l'âge qui marque la fin de la scolarité obligatoire, les traînards étaient priés d'aller traîner ailleurs. L'école publique, qui ne s'était pas encore découvert une vocation compassionnelle, se débarrassait des poids morts sans états d'âme. Les mauvais élèves, en tout cas les plus chanceux d'entre eux, devaient se trouver une boîte à bac pas trop regardante sur le dossier scolaire. Le privé, c'était pour les nuls. C'était la honte.

Quarante ans et d'innombrables réformes plus tard, la hiérarchie s'est complètement inversée. Les « décrocheurs » sont le boulet de l'Éducation nationale, qui, faute de pouvoir les remettre sur les rails, les baby-sitte au moins jusqu'à la fin de la troisième, souvent jusqu'en terminale. Et, comme il n'est plus question d'imposer un redoublement, jugé traumatisant, voire humiliant, ils passent de classe en classe sans jamais avoir fait le moindre progrès. Ces élèves dont on refuse d'admettre qu'ils sont irrécupérables, car cela contreviendrait à notre conception abstraite du progrès, tirent tous les autres vers le bas. Et les meilleurs (qui sont aussi souvent les plus nantis) fuient vers l'enseignement privé où les établissements les plus cotés pratiquent souvent une sélection féroce.

Cette inversion des rôles résume à la perfection la catastrophe engendrée par quarante ans de pieux mensonges politiques. On a beau tenter de le camoufler à grands coups de jargon moderniste, l'Éducation nationale parvient, au mieux, à offrir à tous une instruction moyenne. La réforme du collège adoptée par décret le 20 mai n'y changera rien. Et tout le monde le sait. Cela n'a pas empêché ses partisans de répéter sur tous les tons qu'elle créerait plus d'égalité, plus de justice.



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