Les riches sont-ils méchants? by Thierry Malleret

Auteur:Thierry Malleret
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Slatkine
Publié: 2015-01-01T00:00:00+00:00

12

Lou le repéra aussitôt. Il était accoudé au comptoir du bar du St. James’s Hotel and Club, un petit hôtel de luxe tapi au fond d’une discrète impasse, sur Park Place, à la lisière de Green Park. Un homme d’une quarantaine d’années au visage avenant lui souriait comme s’il la connaissait avant même de l’avoir rencontrée. Il avait une tête toute ronde et des grands yeux noirs aux iris écarquillés, tels ceux d’un enfant étonné. Elle le détailla d’un rapide coup d’œil. Ses yeux sombres brillaient avec une intensité particulière. Sous le côté bonhomme, une détermination sourde, une énorme force de conviction émanaient de sa personne. Il lui tendit une main ferme et enveloppante.

– Henry Balls, enchanté.

– Lou Archer. Merci d’avoir accepté de me voir aussi rapidement.

– Evangelista me ferait traverser le monde si c’était nécessaire ! Un seul mot de sa part suffit. Il m’a chaudement recommandé de vous rencontrer et de vous aider dans la mesure du possible.

– C’est très gentil de sa part… Il vous a expliqué pourquoi ?

– Brièvement. Il a simplement parlé d’un livre que vous écrivez sur la crise financière et les excès de la finance vus à travers le prisme des hedge funds et du short selling.

A l’évidence, pour une raison qui n’était connue que de lui seul, Calderon avait tu la partie essentielle, celle des décès survenus au cours des semaines précédentes, pour n’orienter Lou que sur le modus operandi des hedge funds. Peut-être était-ce un signe bienveillant, l’indication que c’était par là qu’il fallait commencer.

Ils s’assirent à une table nichée dans une petite alcôve qui donnait sur le cul-de-sac. Lou sortit un calepin et un stylo de son sac tout en affirmant :

– Oui, c’est ça. Evangelista ne m’a pas dit grand-chose sur vous, juste que vous aviez travaillé pour Michael Nicholson… et qu’il fallait que je vous parle !

– Quatre ans… J’ai dirigé pendant quatre ans son fonds long/short, le plus prestigieux et le plus rémunérateur de la boîte. Il ne vous a pas dit que j’avais travaillé pour lui ?

– Evangelista ?

– Oui, quelques années avant qu’il vende, au milieu des années 1990. Il m’a tout appris. Mon mentor… mon maître… Un parrain, au sens noble du terme. Je l’aurais suivi au bout du monde s’il me l’avait demandé. Un véritable condottiere !

– Pourquoi l’avez-vous quitté alors ?

– C’est lui qui m’a encouragé à prendre mon envol, à aller voir ailleurs. J’ai travaillé ensuite pour quelques-uns des hedge funds les plus prestigieux aux Etats-Unis et en Asie, puis j’ai fini ici en Europe avec Nicholson.

– Et maintenant ?

– J’ai pris le large… J’ai gagné suffisamment d’argent pour enfin l’utiliser à bon escient, la conscience claire. J’investis dans le domaine des énergies renouvelables, ma passion. J’ai aussi plusieurs projets dans l’investissement social.

Lou leva la tête de son calepin, l’expression étonnée.

– Vous voulez dire la philanthropie ?

– Si vous voulez, mais une philanthropie d’un genre nouveau. Vous ne donnez plus d’argent, vous l’investissez dans des projets qui combinent un retour financier à un retour social, c’est beaucoup plus efficace.

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