Les rates by Thomas Gilles

Les rates by Thomas Gilles

Auteur:Thomas,Gilles [Thomas,Gilles]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 2012-05-29T19:44:19+00:00


CHAPITRE IX

Les premiers jours d'avril. Un mauvais temps persistant fouettait mes vitres de giboulées tardives. Puis un rai de soleil filtrant entre deux nuages faisait scintiller les perles d'eau.

Tous les deux jours, je me rendais au labo, sans appréhension à présent. J'avais choisi de croire le tatou, mais les résultats annoncés tardaient à se faire sentir, et je pouvais répondre très franchement par la négative aux questions de Pugey.

J'avais appris d'Ahmed, qui me rendait de fréquentes visites, que Lucien et Joëlle étaient entrés dans le cycle des expériences. Tout comme moi, ils faisaient confiance au tatou, et attendaient, avec plus ou moins de patience, l'accession promise à un échelon supérieur.

Les quatre enfants, deux filles, Sylvie et Colette, et deux garçons, Ahmed et David, qui participaient également à l'expérience, progressaient, eux, à pas de géant sur la voie évolutive. Le tatou en donnait l'explication suivante : leurs jeunes cerveaux avaient moins besoin d'être stimulés que les nôtres. De plus, ils possédaient déjà tous au départ une faculté paranormale, la télépathie.

Les ratés étaient des mutants. Handicapés sur le plan physique, avantagés sur le plan mental. Compensation peut-être voulue par la nature.

Seul le tatou n'avait pas encore expérimenté la machine de Pertignat, dont il espérait pourtant beaucoup. Il patientait, comme nous patientions tous, mais sans doute plus sereinement. Etrange adolescent, doté d'un cerveau de génie. Jusqu'où irait-il si ses facultés s'accroissaient encore ?...

Ahmed et moi étions devenus grands amis. C'était un enfant imaginatif, aussi porté aux rêveries que moi-même, et qui possédait une intelligence vive. De plus, il se passionnait pour le dessin. Ce goût mutuel nous avait rapprochés.

Je le traitais en adulte, et lui apprenais avec plaisir la technique qui lui manquait encore. A mon avis, son talent dépasserait probablement bientôt le mien. Nous avions entrepris de réaliser une bande dessinée. Ahmed inventait l'histoire, et s'essayait à la traduire en lignes sur papier. Je brodais sur le thème, proposant développements ou rebondissements, fignolant et approfondissant le travail de mon élève. Les aventures de Garan, guerrier d'une terre mythique, et de son compagnon le léopard mutant Ouzir, formaient déjà une impressionnante pile de feuillets.

Ahmed apparaissait dans ma chambre-cellule avec une soudaineté qui me faisait invariablement sursauter. Cloîtré aussi, il s'ennuyait. Sa faculté de télétransport le poussait à l'évasion. Comme je m'ennuyais tout autant que lui, j'étais toujours ravi de le voir se matérialiser dans ma prison.

Nous avions beaucoup bavardé, et j'avais tout appris de son existence dans un organisme d'Etat qui regroupait des ratés. Fils d'un père arabe et d'une mère française, il avait été abandonné peu après sa naissance.

Dans ses premiers souvenirs conscients, la présence du tatou se gravait, qui l'avait pris en charge, et lui avait donné l'affection qu'un enfant réclame pour croître. Le tatou l'avait aidé lors du développement de son don télépathique, et avait veillé à ce qu'il le cache aux adultes. Guidé par le tatou, d'autres enfants télépathes s'étaient rejoints dans un groupe cimenté par des liens mentaux.

Lorsqu'un médecin délégué par la SARE avait testé les enfants, le tatou leur avait dicté les bonnes réponses pour qu'ils soient sélectionnés.



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