Les oubliés de dieu by Lancien Ludovic

Auteur:Lancien, Ludovic [Lancien, Ludovic]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier L
Éditeur: Hugo Poche Suspense
Publié: 2020-10-21T13:26:45+00:00

CHAPITRE 43

Le commandant Éric Blasco n’allait pas tarder à lever l’ancre. Il était lessivé.

L’affaire du cannibale semblait surréaliste, d’une totale incongruité. Deux victimes étaient à déplorer, deux hommes que rien ne reliait. En apparence, tout les opposait : classe sociale, situation géographique… Ils n’appartenaient pas au même monde. Se connaissaient-ils ?

Les meurtriers étaient en tout cas informés de choses que lui ignorait. À l’instar de joueurs de poker chevronnés, ils opéraient avec un coup d’avance. Ce qu’il ne s’expliquait pas, c’était ce contraste incroyable entre les deux crimes.

Comme si Richard Mievel méritait d’endurer les pires souffrances, ce qui n’avait pas été le cas de William Decosse. Les seuls points communs restaient le pentacle à la tête de bouc et la présence de l’escargot au fond de l’orbite.

Au début, il avait pensé à fouiller dans le milieu satanique, sur les forums spécialisés. Mais les brigadiers affectés à cette tâche en étaient ressortis bredouilles. Pas de messages à caractère haineux visant une attaque, physique ou non, contre un médecin ou un jardinier, pas même ne serait-ce qu’une vulgaire insulte qui leur aurait permis d’aiguiller leurs recherches.

Le pentacle pouvait avoir tellement d’explications qu’il avait été préférable d’abandonner la piste.

Les noms inscrits dans le carnet noir du toubib avaient également apporté leur lot de déceptions. Pas de casiers judiciaires, pas d’assurance maladie, pas de famille à joindre. Comme si ces personnes n’étaient jamais venues au monde. S’il n’y avait pas eu ces photographies répugnantes entassées sur l’ordinateur du toubib, le Bélier aurait juré poursuivre des chimères.

Il ferma les yeux et se concentra. Les images de ces hommes et ces femmes abîmés par la main de Dieu s’imprimaient en négatif sur ses nerfs optiques, comme après s’être brûlé les rétines au soleil.

Ils se comptaient par centaines. Des inconnus aux physiques hachés, lacérés par le hasard de la génétique. Comment Mievel avait-il réussi à accéder jusqu’à eux ? À les prendre en photo, capturer leur vulnérabilité ? Pourquoi avait-il fait ça ? Et ce mot allemand : Gnadentod.

La mort miséricordieuse.

L’œuvre d’un fou et de ses disciples fanatiques.

Pourquoi le toubib avait-il donné un tel nom, une telle signification morbide, à son étrange registre ?

Le Bélier refusait de croire que Mievel avait enfermé des êtres humains pour…

Pour faire quoi ? Tuer des innocents à cause de leurs différences ?

Il frictionna nerveusement ses tempes grisonnantes, comme assailli de pellicules. C’était aberrant, insensé. Une histoire à dormir debout. Le suicide de Sophie Mievel empêchait de cerner l’homme qu’était son mari. On ne pouvait que spéculer sur ce que manigançait le couple à ses heures perdues.

Blasco tournoya lentement sur son fauteuil, pensif. La veille, quand Noémie lui avait raconté son entrevue avec Joseph Dumas, alias l’Éléphant, il n’avait su s’il fallait rire de l’ironie cruelle du destin. Elephant Man restait avant tout le pseudonyme d’un homme devenu mondialement célèbre pour son corps atrocement déformé, Joseph Merrick.

Deux pauvres gars que la vie n’avait pas épargnés.

Joseph Dumas ressemblait à un ogre échappé d’un conte pour enfants. Un mastard de plus de deux mètres, dont l’ombre avalerait sans problème l’astre solaire.

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