Les noms d'époque: De «Restauration» à «années de plomb» by unknow

Les noms d'époque: De «Restauration» à «années de plomb» by unknow

Auteur:unknow
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Éditeur: Gallimard
Publié: 2020-01-22T23:00:00+00:00


Des enjeux plus politiques qu’historiographiques

Bien qu’avec réticence, le monde académique a finalement adopté le chrononyme « années de plomb », qu’il encadre généralement de deux dates. La période s’ouvre le 12 décembre 1969 avec l’attentat de la Piazza Fontana à Milan. Elle se clôt de façon moins nette, vers 1982, avec le second démantèlement des Brigades rouges, consécutif à la libération du général américain James Lee Dozier qu’elles détenaient. Une telle vision extensive des événements de cette page sombre de l’histoire de la péninsule n’a pas toujours été partagée — et ne l’est parfois pas encore. Il était fréquent, jusqu’à une date récente, de séparer de façon plus étanche le Biennio rosso 1967-1969 du « terrorisme », dont la date fondatrice se situait en juin 1976 avec le premier assassinat commis par les Brigades rouges sur la personne du juge Francesco Coco. D’autres l’avançaient parfois à l’assassinat du commissaire Calabresi en 1972. Autour de cette querelle de périodisation entre « 68 » et les « années de plomb » se niche un triple enjeu.

Le premier est historiographique, dans un pays, l’Italie, longtemps (et sans doute encore) dominé par une vision très politique de la périodisation. Le sociologue Nando dalla Chiesa le résuma voici près de quarante ans en affublant chacune des périodisations en vigueur d’une étiquette politique31. La thèse de la filiation, telle qu’on la trouve par exemple dans L’Italia degli anni di piombo de Montanelli et Cervi, qui couvre la période 1965-1978, serait « plutôt de droite » en ce qu’elle permet de condamner un projet marxiste révolutionnaire conduisant inexorablement à la dérive terroriste (suivant un raisonnement proche de celui de la croisade des « nouveaux philosophes » en France)32. La thèse de l’altérité absolue serait, elle, « de gauche » puisqu’elle lave le projet marxiste du « péché totalitaire ». La thèse de l’identité, qui relève une continuité entre la démarche insurrectionnaliste pour partie contenue dans les révoltes soixante-huitardes et la lutte armée, serait pour sa part la marque de la « nouvelle gauche ».

Cet enjeu historiographique autant que politique renvoie à un enjeu mémoriel parfaitement mis en valeur dans l’autobiographie de Luisa Passerini, ex-militante de Lotta continua et historienne spécialiste des sources orales. Elle envisage en effet la périodisation comme un instrument de défense, au sens psychanalytique du terme : « Grâce à un mouvement typique pour sauver l’identité, beaucoup attribuent le “bien” à un mouvement initial et sain, et la dégénérescence à une période suivante33. » Il y a certes dans la profusion d’ouvrages sur le « terrorisme », puis sur les « années de plomb », des enjeux commerciaux évidents qui expliquent le caractère fantaisiste, pour ne pas dire opportuniste, des bornes temporelles adoptées. Mais il faut aller plus loin et envisager la production culturelle, dans ses non-dits, ses insistances et ses répétitions, comme « une survivance active et historiquement repérable du passé34 », le symptôme d’un malaise profond à revenir sur un « passé qui ne passe pas ». La focalisation, au moment où



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