Les Mystère de Paris - Tome I by Eugène Sue

Les Mystère de Paris - Tome I by Eugène Sue

Auteur:Eugène Sue [Sue, Eugène]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2012-12-23T20:38:38+00:00


II

Récompense

– Vive la Charte ! je suis crânement content de vous retrouver, monsieur Rodolphe, ou plutôt monseigneur, s’écria le Chourineur.

Il éprouvait une véritable joie à revoir Rodolphe ; car les cœurs généreux s’attachent autant par les services qu’ils rendent que par ceux qu’ils reçoivent.

– Bonjour, mon garçon ; je suis aussi ravi de vous voir.

– Farceur de M. Murph ! qui disait que vous étiez parti. Mais tenez, monseigneur…

– Appelez-moi monsieur Rodolphe, j’aime mieux ça.

– Eh bien ! monsieur Rodolphe… pardon de n’avoir pas été vous revoir après la nuit du Maître d’école… Je sens maintenant que j’ai fait une impolitesse ; mais enfin, vous ne m’en voudrez pas, n’est-ce pas ?

– Je vous la pardonne, dit Rodolphe en souriant.

Puis il ajouta :

– Murph vous a fait voir cette maison ?

– Oui, monsieur Rodolphe ; belle habitation, belle boutique ; c’est cossu, soigné. À propos de cossu, c’est moi qui vas l’être, monsieur Rodolphe : quatre francs par jour, que M. Murph me fait gagner… quatre francs !

– J’ai mieux que cela à vous proposer, mon garçon.

– Oh ! mieux… sans vous commander, c’est difficile. Quatre francs par jour !

– J’ai mieux à vous proposer, vous dis-je : car cette maison, ce qu’elle contient, cette boutique et mille écus que voici dans ce portefeuille, tout cela vous appartient.

Le Chourineur sourit d’un air stupide, aplatit son castor à longs poils entre ses deux genoux, qu’il serrait convulsivement, et ne comprit pas ce que Rodolphe lui disait, quoique ses paroles fussent très-claires.

Celui-ci reprit avec bonté :

– Je conçois votre surprise ; mais je vous le répète, cette maison et cet argent sont à vous, sont votre propriété.

Le Chourineur devint pourpre, passa sa main calleuse sur son front baigné de sueur et balbutia d’une voix altérée :

– Oh ! c’est-à-dire… c’est-à-dire… ma propriété…

– Oui, votre propriété, puisque je vous donne tout cela. Comprenez-vous ! je vous le donne, à vous…

Le Chourineur s’agita sur sa chaise, se gratta la tête, toussa, baissa les yeux et ne répondit pas. Il sentait le fil de ses idées lui échapper. Il entendait parfaitement ce que lui disait Rodolphe, et c’est justement pour cela qu’il ne pouvait croire à ce qu’il entendait. Entre la misère profonde, la dégradation où il avait toujours vécu, et la position que lui assurait Rodolphe, il y avait un abîme que le service qu’il avait rendu à Rodolphe ne comblait même pas.

Ne hâtant pas le moment où son protégé ouvrirait enfin les yeux à la réalité, Rodolphe jouissait avec délices de cette stupeur, de cet étourdissement du bonheur.

Il voyait, avec un mélange de joie et d’amertume indicibles, que, chez certains hommes, l’habitude de la souffrance et du malheur est telle que leur raison se refuse à admettre la possibilité d’un avenir qui serait, pour un grand nombre, une existence très-peu enviable.

« Certes, pensait-il, si l’homme a jamais, à l’instar de Prométhée, ravi quelque rayon de la divinité, c’est dans ces moments où il fait (qu’on pardonne ce blasphème !) ce que la Providence



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