Les montagnes mouvantes by J et D LE MAY

Auteur:J et D LE MAY [J et D LE MAY]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 2012-08-08T16:35:19+00:00

CHAPITRE V

Dague était inconscient et n'eut pas une réaction lorsque son compagnon étouffa le feu en le dispersant puis en recouvrant les braises avec des cendres anciennes. Il ne se rendit compte de rien, trop préoccupé, sans doute, par l'ultime combat qu'il livrait aux forces qui tentaient de l'entraîner vers le Grand Inconnu. Son souffle était court, haletant, coupé de râles. Il ne vit pas non plus Criss s'armer, attacher les deux couperets à sa ceinture, réunir leurs billes de métal des frondes en un seul sac, barricader tant bien que mal le passage étroit menant vers l'extérieur, ne laissant qu'un mince interstice entre lequel il se faufila.

Criss savait qu'il était vain de tenter de dissimuler toutes les traces accumulées depuis deux jours entiers. La boue les gardait et les garderait longtemps, quelle que soit la violence de la pluie. Il était à souhaiter, seulement, que ceux qui avaient allumé un feu quelque part sous le vent ne suivent pas la bordure de la falaise. Sans cela, supprimer la fumée ne faisait que retarder l'événement s'il s'agissait de chasseurs, car ils découvriraient l'empreinte des pas, feraient le grand cercle de reconnaissance pour recouper les différentes pistes et parviendraient immanquablement à la grotte-abri.

Le jeune homme ne se tint pas pour battu. Tactac l'avait accoutumé à risquer le tout pour le tout, à rechercher la plus petite chance de prendre l'avantage dans une situation difficile. Il devait préparer la défense de l'abri et préserver les derniers instants de Dague. Plus rien d'autre ne compterait. Puisque les dieux, bons et mauvais, avaient décidé que ni lui ni Dague ne pourraient fuir les adultes, il ferait face.

Il commença par essayer de dissimuler ses traces de pas. Allongé sur le sol, il rampa en suivant le chemin si souvent parcouru. Il tenait un morceau de peau du petit porc noir et deux de ses pattes, tranchées peu au-dessus du pied corné. Il gratta et lissa le mieux possible les empreintes de ses pas, leur substituant les impacts profonds des fourches de l'animal, tentant parfois de camoufler une marque par trop visible sous des feuilles ou sous l'herbe couchée. Il passa un temps immense à cette tâche, les sens aux aguets. Mais quand il reprit sa reptation vers l'abri, il s'estima satisfait. Il avait neutralisé l'espace entre le mamelon où se dressait la « Chose » et la grande piste des bêtes affolées par les mouvements de la Terre. Or, il se pouvait que les arrivants soient, comme Criss, effrayés par la présence de cette forme insolite et qu'ils suivent simplement le sillon laissé dans les herbes par les animaux.

Le jeune homme se hissa sous la « Chose », se dissimula sous un des bras géants et attendit, épiant, scrutant chaque coin visible du plateau. Ténu, vague mais terriblement proche, le gémissement de Dague pleurant sa souffrance lui parvint et il se demanda à quelle distance il était encore perceptible. Pour le moment, compte tenu de la direction du vent, il ne devait pas pouvoir être entendu à deux mains de pas de la roche sacrée.

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