Les mauvais garcons by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman cubain
Publié: 2012-04-12T04:53:43+00:00

À LA DIX VIN D’CADIX

— Nous sommes au Far West, petit, a dit le vieux Geronimo. Et ce que tu vois là, c’est tout simplement Tombstone : “le village qui a refusé de mourir”.

— Tu vas rester dans ta chambre, a dit maman Pépita. Elle a refermé la porte et l’a laissé tout seul.

Le vieux Geronimo s’est élancé en direction du village. Agar s’est retourné dans son lit en pensant qu’à cette heure les Mauvais Garçons devaient rôder dans le passage de Gómez, chasser les araignées ou explorer les fourrés.

Son regard traînait et il s’est mis à jouer avec les crevasses des murs. Parce que si on regarde les crevasses des murs avec un peu d’imagination, le temps passe beaucoup plus vite.

La crevasse du coin est redevenue le sergent York, avec son casque et son sac. Les écailles du mur du cabinet de toilette se sont transformées en légion de soldats en pleine bagarre. Il aurait aimé aller à la guerre. Il aurait aimé essuyer des coups de feu. Il sentait que ce n’était qu’en devenant un héros qu’il pourrait se délivrer du passé. Alors, il était tantôt le sergent York, tantôt Big Boy Caprice, “l’homme le plus vil du monde”, ou bien il réapparaissait à Veracruz, tuant les Indiens avec son revolver qui n’était jamais à court de balles. Mais cet après-midi, il était à Tombstone, Arizona.

Il a fermé les yeux.

Il a attaché le cheval à l’entrée du village et a craché sur la terre sèche. Il arriverait à pied.

Trente ans, il y avait trente ans qu’il attendait cet instant. Il a vérifié ses pistolets et s’est avancé lentement. C’est le révérend Cunnings qui l’a vu le premier : il a levé les yeux au ciel et s’est hâté de refermer les portes de l’église. Les cloches ont sonné à toute volée et le village s’est bousculé aux fenêtres.

— C’est le fils du vieux Lorenz ! on a crié dans le saloon.

Il a entendu les tables de poker qu’on repoussait bruyamment et la valse du piano mécanique qui languissait. Il est resté ainsi, jambes écartées, immobile au milieu de la grand-rue. Le temps a paru s’arrêter à Tombstone. Des ronces ont traversé en boule la rue désertée.

Ils étaient effrayés. Ils étaient tous effrayés. Seul le juge Parker, appuyé sur ses béquilles, a osé l’affronter.

— Écoute, Bronco… Écoute la parole d’un vieil homme, ensuite tu feras ce que tu voudras. Mais… que le diable m’emporte s’il ne vaut pas mieux que tu pardonnes !

— Où est-il ? il a dit.

— Il y a mille ans que “Pop” Lorenz est parti d’ici. Que le diable m’emporte s’il n’en est pas ainsi ! Il est allé à Yuma, peut-être, a dit le vieux Parker en lançant des coups d’œil nerveux du côté du ferronnier.

— Écartez-vous ! a dit brusquement Bronco Joe.

— Écoute la parole d’un vieil homme, petit ! s’est exclamé le juge, se sentant percé à jour. Oublie le passé… Je sais que tu en es capable !

— Oublier…, a murmuré Bronco Joe.

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