Les liaisons dangereuses by Laclos Choderlos de

Les liaisons dangereuses by Laclos Choderlos de

Auteur:Laclos, Choderlos de [Laclos, Choderlos de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
Éditeur: La Gang®
Publié: 2011-06-18T22:00:00+00:00


De …, ce 20 septembre 17**.

LETTRE LXXXII

CÉCILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY

Mon Dieu, que votre lettre m’a fait de peine ! J’avais bien besoin d’avoir tant d’impatience de la recevoir ! J’espérais y trouver de la consolation, et voilà que je suis plus affligée qu’avant de l’avoir reçue. J’ai bien pleuré en la lisant : ce n’est pas cela que je vous reproche ; j’ai déjà bien pleuré des fois à cause de vous, sans que ça me fasse de la peine. Mais cette fois-ci, ce n’est pas la même chose.

Qu’est-ce donc que vous voulez dire, que votre amour devient un tourment pour vous, que vous ne pouvez plus vivre ainsi, ni soutenir plus longtemps votre situation ? Est-ce que vous allez cesser de m’aimer, parce que cela n’est pas si agréable qu’autrefois ? Il me semble que je ne suis pas plus heureuse que vous, bien au contraire ; et pourtant je ne vous aime que davantage. Si M. de Valmont ne vous a pas écrit, ce n’est pas ma faute ; je n’ai pas pu l’en prier, parce que je n’ai pas été seule avec lui, et que nous sommes convenus que nous ne nous parlerions jamais devant le monde : et ça, c’est encore pour vous ; afin qu’il puisse faire le plus tôt ce que vous désirez. Je ne dis pas que je ne le désire pas aussi, et vous devez en être bien sûr : mais comment voulez-vous que je fasse ? Si vous croyez que c’est facile, trouvez donc le moyen, je ne demande pas mieux.

Croyez-vous qu’il me soit bien agréable d’être grondée tous les jours par maman, elle qui auparavant ne me disait jamais rien ; bien au contraire ? À présent, c’est pis que si j’étais au couvent. Je m’en consolais pourtant en songeant que c’était pour vous ; il y avait même des moments où je trouvais que j’en étais bien aise ; mais quand je vois que vous êtes fâché aussi, et ça sans qu’il y ait du tout de ma faute, je deviens plus chagrine que pour tout ce qui vient de m’arriver jusqu’ici.

Rien que pour recevoir vos lettres, c’est un embarras, que si M. de Valmont n’était pas aussi complaisant et aussi adroit qu’il l’est, je ne saurais comment faire ; et pour vous écrire, c’est plus difficile encore. De toute la matinée, je n’ose pas, parce que maman est tout près de moi, et qu’elle vient à tout moment dans ma chambre. Quelquefois je le peux l’après-midi ; sous prétexte de chanter ou de jouer de la harpe ; encore faut-il que j’interrompe à chaque ligne pour qu’on entende que j’étudie. Heureusement ma femme de chambre s’endort quelquefois le soir, et je lui dis que je me coucherai bien toute seule, afin qu’elle s’en aille et me laisse de la lumière. Et puis, il faut que je me mette sous mon rideau, pour qu’on ne puisse pas voir de clarté, et puis que j’écoute au moindre bruit pour pouvoir tout cacher dans mon lit, si on venait.



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