Les larmes du soleil by Henri Vernes

Les larmes du soleil by Henri Vernes

Auteur:Henri Vernes [Vernes, Henri]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Aventure
Éditeur: Claude Lefrancq
Publié: 2012-09-23T13:02:16+00:00


IX

Paulino Saül été né dans les « slums » de Lima. Confronté dès l’enfance à la misère, à l’injustice, à l’oppression, il avait cru, tout jeune, aux vertus de la Révolution. La Révolution dure, à la Mao Tse Toung. Il en avait même appris le nom en chinois : geming – et il s’en était gargarisé pendant des jours entiers, jusqu’à ce que ce mot devienne une obsession.

À dix-huit ans, Saül avait donc rejoint les rangs des Lagrimas del Sol. Les Larmes du Soleil. C’était ainsi que les Incas appelaient l’or. L’or que les révolutionnaires comptaient arracher aux nantis : propriétaires terriens ou miniers, vendus à la finance internationale, barons milliardaires de la drogue et, plus simplement, bourgeois…

Devenu un des chefs du Lagrimas, Paulino Saül s’était vite rendu compte que le mouvement, privé de tout, traqué par les forces gouvernementales, ne pouvait survivre sans l’aide du peuple. D’un peuple démuni lui-même. Quand il refusait son aide, on le forçait. De mouvement révolutionnaire, les Lagrimas tournèrent au brigandage. Ensuite, il y eut la compromission avec les barons de la drogue, qui fournissaient armes et matériel contre une collaboration active. Fallait-il chasser des paysans ou des Indiens de leurs terres ? Les guérilleros se chargeaient du travail.

Adossé à son arbre, mal protégé par son poncho contre l’humidité de la nuit, Paulino Saül se secoua. La lumière pâle de l’aube tissait sa toile de nébulosité à travers le sous-bois et la brume enroulait ses écharpes autour des troncs.

— C’est l’heure d’y aller, dit Saül d’une voix pâteuse.

Le guérillero qui se tenait à quelques mètres de lui se mit debout, étouffa un bâillement, étira ses membres engourdis.

— Lance le signal, Alejandro, lui jeta Saül.

Le guérillero mit les mains en porte-voix de chaque côté de sa bouche et, par trois fois, lança le cri de l’oiseau-soldat.

Une dizaine de secondes, puis le même cri retentit au loin, également à trois reprises, se répéta encore… Ensuite le silence.

— Tout le monde est prévenu, conclut Paulino Saül. Mettons-nous en marche.

À cette heure, les Campas devaient dormir. La veille, dans la nuit, on avait très tard entendu leurs chants. Sans doute célébraient-ils quelque cérémonie barbare à la suite de laquelle, ivres de chicha[10], ils s’étaient plongés dans un profond engourdissement.

Tout autour du village qu’ils encerclaient, les guérilleros s’étaient mis en marche tous en même temps. Ils étaient une trentaine et, au fur et à mesure qu’ils progressaient, leur cercle se rétrécissait.

Passés les chacaras, les pangotse apparurent entre les arbres. Une vingtaine de cases à toits de palmes, élevées sur pilotis. Rapidement, elles se précisèrent, vagues fantômes dans la lumière approximative et les brumes du petit matin. À l’intérieur du village lui-même, pas le moindre signe de présence humaine. Seul un feu, fait de troncs disposés en croix, leur extrémité se touchant presque, fumait encore. Quelque part, un coq chanta, puis un autre… et ce fut tout. Les Campas, abrutis par une absorption immodérée de chicha, devaient dormir encore.

Le cercle des guérilleros continuait à se rétrécir comme un diaphragme de caméra qui se ferme.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.