Les jours de notre mort by Rousset David

Les jours de notre mort by Rousset David

Auteur:Rousset,David [Rousset,David]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Camps de concentration, politiques
Publié: 1946-12-31T23:00:00+00:00


* *

Le travail redevient difficile, dit Karl.

Ils se promenaient tous les trois dans le petit jardin derrière le Revier. L'explication de leur lente promenade dans les allées étroites, aux dalles disjointes, entre les parterres de fleurs, était prête depuis longtemps: ils parlaient des malades de la Gustloff, de l'hygiène à l'usine. Le Kapo Bruno Falkenberg et son adjoint Otto développaient devant Karl un rapport sur l'état sanitaire de leurs ouvriers. Un S. S. pouvait surgir, les séparer pour les interroger isolément: leurs réponses seraient impeccablement conformes avec les nuances personnelles qui donnent lors d'une confrontation une impression de vérité. Ils marchaient d'un même pas allongé, Bruno Falkenberg les devançant un peu.

— Les vieilles consignes sont à nouveau d'actualité. D'abord comprendre et faire entrer dans les têtes que la période de relative facilité du printemps est close. Maintenant il n'y a plus grand espoir de la revoir un jour.

Otto et Bruno écoutaient avec attention. En avril-mai, les troupes de la défense antiaérienne avaient peu à peu remplacé les S. S. De nouvelles ordonnances limitèrent alors le droit de frapper des S. S. et des fonctionnaires détenus. La discipline dans les usines se relâcha. La fraction illégale agit plus ouvertement dans le camp. La liberté d'attitude à l'égard des Meister civils se marqua extérieurement de façon plus frappante. Dans la grande masse, toujours portée aux illusions comme à des stupéfiants nécessaires, des bruits coururent que Buchenwald passerait prochainement sous le contrôle d'une administration internationale de la Croix-Rouge. L'attentat du 20 juillet avait éclaté comme un présage de nouvelles terreurs. Les anciennes ordonnances sur les punitions corporelles venaient d'être rétablies. Otto jugeait que le récent discours du commandant signifiait un durcissement des S. S., comme le montrait la reprise des perquisitions, et Karl confirmait ses appréhensions.

— La direction S. S. encourage de nouveau les fonctionnaires à se montrer particulièrement durs. Elle exige un resserrement considérable de la discipline dans le travail. Des instructions sont arrivées à la Tour ordonnant de rechercher et de réprimer très sévèrement les actes de sabotage. Cela vous concerne particulièrement, dit Karl.

Bruno lui lança un coup d'œil. Il savait que l'autre n'avançait rien qui ne soit soigneusement examiné et pesé. Karl était une puissance. De son bureau, le Geschäftzimmer du Revier, il suivait heure par heure la vie secrète du camp. Des centaines d'hommes travaillaient pour lui sans le savoir. Dans les villas de la Kommandantur, des Kalfaktors, sans apparence, essuyaient, balayaient, frottaient, vidaient les corbeilles à papier, lisaient hâtivement les notes des maîtres, écoutaient derrière les portes, dans les couloirs, se prêtaient aux insolences des Seigneurs, tordaient leur visage en sourire sous l'insulte, cassaient leur corps comme des acrobates soumis pour la plus grande joie des puissants, à seule fin de saisir, dans la détente lasse de ces sangs trop lourds, les aveux inconscients des menaces qui, au dehors, s'assemblaient contre les esclaves du camp. Eux ne connaissaient qu'un homme derrière les barbelés, sans fonction importante, sans privilèges reconnus. Il les écoutait longuement, presque sans commenter. Il ne remerciait pas et n'approuvait pas.



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