Les Jardins d'Allah by Monique Le Dantec

Les Jardins d'Allah by Monique Le Dantec

Auteur:Monique Le Dantec
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Morrigane Éditions
Publié: 2014-09-24T00:00:00+00:00


CHAPITRE 10

« Les montagnes sont marquées de stries blanches, rouges, de couleurs diverses ou d'un noir profond. Les hommes, les animaux, les bestiaux sont aussi de couleurs différentes. » Sourate XXXV — verset 27/28

La porte claque d'un coup sec en se refermant. Les bras ballants, bouleversée, avec l'impression de flotter dans les airs, je ne parviens pas à me convaincre de la réalité des heures qui se sont écoulées.

Sans crier gare, comme la foudre, Othman est venu. Puis de nouveau, il s'en est allé. Je reste là, immobile devant la porte close. Je l'imagine, franchissant d'un pas vif le parc de la résidence. Je me précipite vers la fenêtre, tentant de l'apercevoir une dernière fois. En vain. Les troncs des arbres se distinguent à peine les uns des autres dans la grisaille humide de l'aube naissante.

Mais les heures brûlantes que nous venons de traverser effacent toutes les attentes, toutes les incertitudes, toutes les peines de l'absence.

Pétrifiée quelques instants par son arrivée, puis emportée dans un délire de joie, je l'ai retrouvé tel que je l'ai quitté à Marrakech, impétueux, insaisissable, énigmatique. Épuisé par un long voyage – j'ai cru comprendre qu'il rentrait d'Afghanistan dans des conditions assez difficiles –, un bain chaud et plusieurs tasses de café l’ont remis très vite en forme. Les minutes ardentes qui ont suivi ont surpassé à l'extrême celles que j'osais à peine imaginer dans mes espérances les plus folles. Retrouvailles brèves. Trop brèves. Mais son passage trace en moi une empreinte indicible qui me métamorphose. Indépendante et solitaire, par lui, je deviens soumise et aliénée, sous le joug d'une puissance insondable.

Suppliante.

— Où vas-tu ? Est-ce vraiment nécessaire ? Reste avec moi, je t'en prie.

Questions qu'il a laissées sans réponse, comme toujours. Mais je crois en sa promesse de retour. Je prends patience. Toutefois, un petit incident surprenant me revient en mémoire. Au moment de partir, je l'aidais à remettre un peu d'ordre dans ses bagages. Deux ou trois paires de chaussures traînaient pêle-mêle, j'ai voulu les glisser dans les sacs en papier du placard d'entrée.

Soudain, interdit, il s'est figé devant l'un d’eux. Celui que j'avais ramassé par terre quand je suis allée porter l'enveloppe au destinataire de la rue de Crimée.

— Comment es-tu en possession de ça ?

Le ton était brusque, courroucé.

Je lui ai expliqué les circonstances, et lui ai demandé ce qui l'émouvait ainsi.

— Ce n'est rien. Oublie cela.

Je n'ai pas insisté car je sais que je n'aurai rien obtenu de plus. Je lui ai tendu le paquet, mais mémorisé l'adresse qui y était indiquée. À l'occasion, je ferai un tour dans ce quartier, pour m’en rendre compte !

Au même moment, m’est revenu à l’esprit le ticket de consigne de la gare de Perpignan que j'avais trouvé dans ce fameux sac. Après maintes hésitations, je me suis décidé à lui en parler.

— Donne-le-moi, je m'en occuperai. Je passe justement par Perpignan. J'irai voir ce que c'est.

Aucune ombre de surprise dans la voix, mais un soupçon de rage, ou de crainte ?

Je ne peux



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