Les Hommes de bonne volonté - L'Intégrale 3 (Tomes 8 à 10) (French Edition) by Jules Romains

Auteur:Jules Romains [Romains, Jules]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Flammarion
Publié: 2016-12-06T23:00:00+00:00

XXIII

La maison dans les Maures

Dès qu'ils arrivèrent à Toulon, par l'express du matin, venant de Marseille où ils avaient couché, Laulerque et M. Karl (« Appelez-moi M. Karl », avait dit l'inconnu dès le début du voyage) s'enquirent de la gare des Chemins de fer du Sud, de l'heure du train qui les mènerait à La Croix, et de la durée du trajet. C'était Laulerque qui posait les questions.

Tous deux étaient vêtus en touristes. Ils tenaient une canne ferrée à la main, et portaient un sac alpin sur le dos.

Quand ils eurent les renseignements, M. Karl fut pris d'abord d'une grande hilarité :

– Comment se peut-il que tout ce temps soit nécessaire ? Il y a donc de très hautes montagnes à franchir le long du rivage ? Je pensais que nous serions là-bas à midi sans que cela fasse un problème.

Il s'excusa de n'avoir pas prévu cette difficulté :

– Sinon, nous aurions déjà consulté l'horaire à Paris, et combiné nos plans.

Il s'était en effet contenté, avant le départ, de dire à Laulerque : « La chose est située aux environs de Toulon » ; et ce n'était que le matin même, en quittant Marseille, qu'il avait parlé des Chemins de fer du Sud, et cité le nom de La Croix. Il avait ajouté :

– Je ne pense pas que ce soit à plus d'une heure de marche de la station.

Laulerque fit observer que la nuit serait complètement tombée quand ils descendraient du train ; donc qu'il ne serait pas possible de se lancer le soir même à travers la campagne. Il leur faudrait coucher à La Croix, dans quelque misérable auberge ; y passer toute une ennuyeuse soirée ; ce qui aurait en outre l'inconvénient de les signaler à l'attention et de laisser des traces.

Ils s'installèrent au buffet pour étudier un programme. M. Karl déclara que s'il apparaissait comme plus commode de faire un arrêt de quelques heures à Toulon, ou même d'y coucher, il s'en féliciterait personnellement. Il avait grande envie de connaître cette ville, et d'y flâner à loisir. Il regrettait de n'avoir à peu près rien vu de Marseille.

Laulerque montra, d'après l'indicateur, qu'à condition de se lever très tôt le lendemain matin, ils pouvaient, en couchant à Toulon, être à La Croix vers le milieu de la matinée, donc commencer leur recherche à une heure très favorable.

– Nous aurons encore une grande partie de la journée devant nous. Ce sera bien le diable si nous n'avons pas terminé avant la nuit. Nous essayerons de rattraper le train du soir et d'aller coucher à Saint-Raphaël.

Il suggéra qu'ils pourraient à toute éventualité mettre quelques provisions de bouche dans leurs sacs alpins.

*

La conscience tranquille de ce côté, ils s'en furent à la découverte de la ville, et prirent au jugé la direction de la mer.

Il faisait un soleil très brillant dans un air froid. La lumière était aussi mordante que possible. Laulerque et M. Karl regardaient cette lumière, nouvelle pour l'un comme pour l'autre, ses rencontres avec le sol, avec les murs ; les ombres, l'éclat du ciel.

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