Les guerriers de l’enfer by Stone Robert

Les guerriers de l’enfer by Stone Robert

Auteur:Stone, Robert
La langue: fra
Format: epub
Tags: Série Noire
Éditeur: Série Noire
Publié: 1973-08-15T00:00:00+00:00


14

Converse ne tira pas grand-chose de son entrevue avec l’homme de loi.

Avec ses longs cheveux gris tombant sur ses épaules et son crâne dégarni, il avait tout du savant fou communisant, sorti tout droit de la presse Hearst. Pendant que Converse lui faisait le récit de son interrogatoire au motel, l’avocat se contentait de sourire en haussant de temps à autre les épaules d’une manière énervante. Converse eut l’impression qu’il ne l’aimait pas et qu’il refusait de partager son désarroi.

— La routine, fit l’homme de loi. Ils procèdent toujours comme ça.

Bref, si Converse voulait faire consigner par écrit sa déposition, libre à lui, mais un conseil mieux introduit auprès du Procureur, c’était ce dont il avait surtout besoin. Converse devait faire preuve de la plus grande prudence en évitant toute rencontre avec des inconnus et en prenant toutes les mesures nécessaires pour se protéger. En cas d’arrestation, lui rappela l’avocat, il avait le droit de téléphoner.

Converse s’était tartiné l’oreille de vaseline et l’avait recouverte d’un pansement de gaze et de coton. Il s’engagea dans Van Ness, évitant les regards de ceux qui le croisaient. Il avait passé une partie de la nuit allongé sur le sol du motel, puis à Berkeley, dans la chambre de Janey, sous le dessin du diable. Au matin, il avait pris le chemin des bureaux du Pacific et emprunté à Douglas un peu de Thorazine que Dalton gardait toujours à portée de main en cas de crise de delirium.

Ainsi lesté, Converse suivit la rue comme un somnambule jusqu’à Aquatic Park. Là, il s’assit sur un banc au milieu des videurs de boîtes de nuit acharnés à garder la forme et des danseuses nues, plaquant des réflecteurs solaires sous leurs mentons. Certaines des filles firent monter en lui une bouffée de désir, et l’image de Charmian, puis celle de Marge, lui revinrent avec une violence qui le surprit.

Au bout d’une heure environ, il décida de se secouer et d’aller parler à June.

Le San Franciscan, une structure de métal pastel en forme de coin, donnait deux fois sur le port. D’un côté, on découvrait l’îlot d’Alcatraz, de l’autre Coit Tower et Bay Bridge. Dans le hall, les employés étaient déguisés en hussards de Santa Anna et il y avait même parmi eux beaucoup de Mexicains authentiques.

La chambre de June se trouvait au bout d’un couloir immaculé et étouffant. Juste au-dessus de sa porte, une caméra de télévision prenait le couloir en enfilade.

June mit un temps infini avant d’ouvrir. Il dut glisser sous la porte sa carte de presse vietnamienne, rouge et jaune, pour qu’elle se décide enfin.

— Pourquoi n’avez-vous pas appelé ?

Elle était blonde, le visage marqué de taches de rousseur – un visage de bébé qui commençait à se durcir –, moulée dans un jean délavé et un cache-cœur décoré d’ancres de marine. Elle avait une voix qui lui rappelait celles des standardistes répondant de Bismarck ou d’Edmonton à un faux numéro.

— Quelle autre pièce d’identité avez-vous ?

Il lui montra son passeport. Dans la pièce, un poste de télévision en couleur retransmettait un match avec les Giants.



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