Les Gens de Mogador - Julia by Barbier Elisabeth

Auteur:Barbier Elisabeth [Elisabeth, Barbier]
La langue: fra
Format: epub
Tags: saga familiale
ISBN: 9782258088931
Éditeur: Omnibus
Publié: 2011-03-02T23:00:00+00:00

Aux approches de Noël, Sophie rentra chez elle.

Cette année-là, ceux de Mogador devaient aller mettre la bûche au feu à Tourvieille où la branche cadette des Vernet, à son tour, dorlotait l’espoir d’un héritier.

Julia n’était pas fâchée de la perspective. Voir de près comment se comportait l’attelage formé par sa belle-mère et la jeune Lucie l’intéressait particulièrement.

Elle passa volontiers sur les complications des préparatifs à faire pour toute la maisonnée en vue de ce déplacement et, laissant à Philo la régence de la maison, se contenta d’emmener Pierroune pour la seconder.

Le grand ciel d’hiver tassait la silhouette du mas vers lequel serpentait le chemin, sous le soleil haut et pâle.

Penché vers la vitre de la voiture où ils s’empilaient, Rodolphe, ayant calé Cyprien entre ses cuisses, lui montrait les vols de macreuses qui se levaient sur leur passage.

Par chance, le dernier-né dormait, contrairement à son habitude en pareille circonstance. Et Amélia que le roulement de la berline fatiguait, nichée contre la poitrine de sa mère, demeurait silencieuse.

Sorti de son lit, le Vaccarès affleurait la route, de chaque côté, transformant la plaine en un marécage d’où émergeaient les rangées de ceps dépouillés et les files de tamaris, loin sur l’horizon. Sans cesse, il fallait essuyer les vitres qu’envahissait la buée. Et, de temps à autre, Rodolphe entrouvrait la portière. Alors, une bouffée d’air pur, glaciale, leur apportait l’odeur du sel et de la sauvagine.

Enveloppé d’une houppelande, Antoine guettait leur arrivée sur le terre-plein, devant le mas.

Ils le trouvèrent forci.

— Eh ! dis donc, mon garçon, tu engraisses comme un porc, lui assena joyeusement Rodolphe, tout de go, en réponse à sa bienvenue.

Son cadet le considéra sans indulgence superflue et regretta de ne pouvoir lui en servir autant.

Mais la tendance à l’embonpoint était un apanage de famille chez les Richard-Lacroix, et Rodolphe tenait bien peu de leur côté.

— Allons donc, intervint Julia, s’appuyant pour sauter à terre sur la main que lui tendait Antoine. Disons plutôt qu’il prend une honnête tournure de propriétaire.

Il reconnut sur le visage de sa belle-sœur le léger retroussis des narines. Le couple était toujours le même, songea-t-il. Au coup de boutoir de l’un succédait immanquablement le coup de patte de l’autre. Rodolphe écrasait les gens et Julia se chargeait ensuite d’éparpiller leur poussière.

Il préféra en rire.

Et s’estima quitte, à voir la chère créature se hausser désespérément sur ses pointes pour atteindre une joue qu’il gardait sournoisement hors de portée. Julia finit par s’agripper aux revers de son vêtement pour l’attirer jusqu’à elle, à l’amusement discret de l’assistance.

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