Les genres du cinéma by Moine

Les genres du cinéma by Moine

Auteur:Moine
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Armand Colin


Difficile dans ce court texte de retrouver la marque policière des films d’Hitchcock, effacée par un intérêt porté à une mise en scène qui rend compte d’un conflit métaphysique. La même volonté de remplacer les déterminations empiriques du genre par des catégories anhistoriques (sans doute plus nobles et légitimes !) se retrouve dans les études sur John Ford qui laissent de côté l’américanité symbolique des paysages de ses westerns pour insister sur leur dépouillement et leur abstraction tragique, où s’expriment un engagement biblique (l’Ouest de tous les humains en marche vers la promesse mythique d'un paradis perdu) et une philosophie de la nature10. La lecture auteuriste (sans nuance péjorative) et la lecture générique semblent bien être exclusives et il est rare que les critiques essaient véritablement de faire jouer ou de dénouer le paradoxe des « auteurs de genre ». De plus, comme la politique des auteurs fait sien l’axiome de Giraudoux selon lequel « il n’y a pas d’œuvres, il n’y a que des auteurs », tous les films d’un cinéaste, dès lors qu’il est reconnu comme auteur, deviennent des films d’auteur, quelle que soit par ailleurs leur fidélité à un genre : il en va ainsi de plusieurs des mélodrames mexicains, comme Susana la perverse (1950), que Luis Buñuel tourne au Mexique à la fin des années 1940 et au tout début des années 1950. Enfin, au-delà de toute référence explicite à la politique des auteurs, les études sur auteurs tendent très généralement à détacher le film d’auteur de son ancrage générique en montrant comment il « dépasse », « transgresse » ou « transcende » les limites du genre.

Dans son ouvrage consacré à Vertigo11, Jean-Pierre Esquenazi propose de reconsidérer la notion d’auteur, pour sortir de ce clivage qui amène à faire des films d’un auteur de genre soit des produits, anonymés, d’un milieu doté de codes, de conventions et d’un système esthétique, idéologique et économique de production, soit des œuvres exprimant la personnalité, le style et la vision du monde d’un artiste : l’auteur est un « réseau d’interactions » entre le milieu et la personne, entre les différents milieux que celle-ci a traversés et auxquels elle s’est adaptée et les différents rôles qui constituent sa personnalité. Ces interactions ont ainsi formé « un réseau de contraintes, d’appuis, de préjugés, d’institutions, de hasards, etc., qui a conduit à la réalisation du film »12. En prenant l’exemple d’Hitchcock et de Vertigo, Esquenazi montre comment le film hitchcockien (qui réalise le cas sans doute unique où un réalisateur attache son nom à un genre) est né par composition et dérivation d’autres genres : la littérature policière anglaise, dont Hitchcock modifie le sens et la structure en faisant de l’énigme un MacGuffin, un prétexte narratif ; la comédie hollywoodienne, puisque le récit, dédoublé par les vertus du MacGuffin, ajoute à l’énigme du film policier une rencontre entre un homme et une femme qui, d’abord placée sous le double signe du hasard et de la contrainte, doit s’en libérer pour devenir



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