Les fleurs de Vénus by Curval Philippe

Les fleurs de Vénus by Curval Philippe

Auteur:Curval, Philippe [Philippe, Curval]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 1959-05-14T16:00:00+00:00


DEUXIÈME PARTIE

LA FLEUR POURPRE

I

L’EAU CAMÉLÉON aux couleurs changeantes qui coulait entre les parois transparentes ne laissait pas percer les rumeurs de la ville ; les murs et les fenêtres étaient faits de ce même revêtement translucide. Ce fluide liquoreux s’adaptait à la lumière du jour : soudain d’étranges filaments bleuissaient, d’autres rougeoyaient, ces fils s’entremêlaient, s’aggloméraient, alors le violet envahissait peu à peu la surface entière de l’appartement et cette couleur se stabilisait un moment. Il aurait suffi qu’une qualité de lumière différente frappât les parois des vitres pour qu’un autre changement se produisît et que la fenêtre circulaire s’harmonisât aux nuances du jour. À travers ce voile coloré, l’avenue animée semblait exister dans un univers parallèle à celui de la chambre, un monde silencieux et vivant auquel on ne pouvait avoir accès. Ninon s’écarta de ce spectacle qui la fascinait, abîme encore inviolé. Elle aimait le silence de sa retraite, sa chambre tendue de tentures veloutées, lamées de nuit, en pétales d’Almintas. Elle l’avait agrémentée de tableaux abstraits cubiques, suspendus dans l’espace, que l’artiste avait créés en partant des fleurs et qui, par le seul jeu des lignes et des couleurs savaient suggérer la carnation délicate, la présence sensuelle des corolles et des tiges.

Ninon ne regrettait plus son océan lointain, elle ne se plaignait plus de l’absence de son frère qui savait par sa présence affectueuse, sa force et sa fougue, sa gentillesse embellir le cadre familier du bungalow. Parfois une pointe de mélancolie se mêlait à ses rêveries, alors il lui suffisait de laisser son regard se perdre dans les méandres abstraits des cubes pour retrouver la vision parfaite du paysage qu’elle avait quitté et sentir son odeur de toujours.

Ninon ne se méprisait pas d’avoir abdiqué toute sa fierté vénusienne, d’avoir renoncé à l’espace, aux forêts, aux marais océans pour suivre Julia dans son exil. Actuellement elle s’en félicitait.

Les premiers jours avaient été difficiles, il lui avait fallu lutter à chaque instant contre la nausée profonde que lui donnaient cette absence d’espace, ce dôme perpétuellement cintré au-dessus de sa tête, ces fleurs encagées dans les jardins artificiels. Mais dans son souvenir, dans sa conscience des choses, le murmure immense du marais océan, la présence obsédante des odeurs, des animaux, avaient fait place à une réalité plus actuelle. Elle pouvait, quand elle le désirait lancer son esprit vers les sites les plus lointains, se retrouver dans les endroits qu’elle avait aimés. Mais au fur et à mesure que s’écoulaient les jours, elle raréfiait ces promenades sentimentales.

Sa haine de la cité s’était atténuée. Ninon avait apprécié le confort éblouissant des appartements, goûté le charme des chambres insonores où pouvaient se recréer tous les mirages, tous les rêves possibles. Son indolence naturelle l’avait incitée à confier son ennui aux songes, aux promenades à travers les jardins immenses sous le dôme, parmi les avenues bruyantes, images de la Terre qu’elle n’avait jamais vue et d’où provenait la moitié de son sang.

Il y avait une autre raison : elle aimait Gordon.

Jusqu’à présent toute



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