Les fils de Bélial by Inconnu(e)

Les fils de Bélial by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-08-12T14:25:02+00:00


V

Le lundi 1er mars, au milieu de la matinée, l’armée s’ébranla lentement. Sans tenir compte d’aucun conseil, don Henri, persuadé que le prince de Galles faisait mouvement vers Burgos, avait décidé de franchir l’Èbre auprès de Haro pour camper à Trevino(470), à quelques lieues de Salvatierra dont il savait les habitants acquis à Pèdre. Comme toujours, l’avant des Compagnies chemina en bon arroi, promptement, tandis que les hommes de l’arrière-garde et l’essentiel du charroi musaient sur des chemins de neige et de glace labourés, craquelés, crevassés par les fers de la cavalerie. On apprit le soir seulement qu’un chapelet d’attardés avait péri lors d’une escarmouche avec une reconnaissance anglaise qui s’était aventurée dans la vallée de l’Èbre(471). Des chariots de vivres avaient été pillés. Quel qu’eût été le nombre des victimes – certains traînards disaient vingt, d’autres davantage -, Henri refusa de s’en soucier. Ils avaient rechigné d’aller à la bataille ? Elle était venue jusqu’à eux. Ils étaient morts sans gloire, abandonnés de Dieu.

Sous son pavillon hâtivement dressé, le roi réunit son conseil. Il divulgua aux prud’hommes ignorants de cette audience, qu’un chevaucheur français dont il tut le nom, lui avait apporté des recommandations de Charles V dont il semblait tout à la fois marri et honoré.

– Compères, dit-il, j’ai pris acte des admonitions du roi de France. Il m’engage à ne pas combattre en bataille rangée contre un guerrier tel que le prince de Galles. Il est vrai, messires les Français, que les rois de votre pays et son bon peuple ont souffert de cruauté de cet homme. Mais nous sommes en Espagne avec moult Espagnols, et je sens la victoire à portée de ma main ! Eh oui, Bertrand… Je vous vois sourire. En douteriez-vous ? Charles V, il me semble, à Poitiers…

– Sire, tonna Guesclin que l’allusion à la fuite du prince héritier, lors de cette bataille, semblait ulcérer grandement alors qu’elle eût dû le laisser indifférent, gardez-vous de tirer des leçons trop hâtives d’une défaite où je n’étais point !

« Il nous voudrait faire accroire qu’avec lui, nous eussions gagné », se dit Tristan. « Quelle présomption ! J’aurais bien voulu l’y voir ! »

– Point de bataille rangée, sire ! insista le Breton.

– La bataille sera ce que j’en ferai(472).

Guesclin se résigna. Audrehem vint à sa rescousse :

– Combattre les Anglais en bataille rangée, c’est leur donner, Henri, des armes contre nous !

– La bataille sera ce que j’en voudrai faire !

Content de lui, le roi se répétait. Nullement ébahi par cet entêtement, Tristan se souvint de l’obstination de Jean II, dit plus tard « le Bon », peu avant l’affrontement des Français et des Anglais, commandés par le prince de Galles, dans les champs bossués de Poitiers-Maupertuis. Henri, en ce moment, ressemblait au défunt roi de France : même regard acéré entre des paupières pâlies, gonflées par des insomnies dont la nature importait peu ; même bouche en friche, dédaigneuse, même menton pelu soulevé par une témérité tellement quellement affectée que Guesclin, dans son coin, souriait sans respect.



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