Les filles du pasteur by D.H. Lawrence

Les filles du pasteur by D.H. Lawrence

Auteur:D.H. Lawrence [Lawrence, D.H.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: 2016-04-24T11:46:12.156000-03:00 JF
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2015-06-01T03:00:00+00:00


2

Mais où allait-il ? Il commençait à sortir de son ravissement de joie et de liberté. Au plus profond de lui-même, la honte recommençait à le brûler dans sa chair. Cependant il ne pouvait en supporter la pensée claire. Mais elle demeurait, submergée au fond de sa conscience, l’humiliation saignante, et le brûlait toujours.

Ce n’était pas l’intelligence qui lui manquait, ni le bon sens. Mais il n’osait encore se rappeler ce qui était arrivé. Il ne connaissait plus que le besoin d’être ailleurs, loin de tout ce qui avait été son existence récente.

Mais comment ? Une peur angoissée le traversa. Il ne pouvait supporter l’idée que sa chair humiliée dût subir de nouveau le contact des mains de l’autorité. Déjà ils l’avaient touché brutalement dans sa nudité, mettant au jour sa honte, et le laissant infirme, atteint de paralysie dans sa propre volonté.

Sa peur devint de la terreur. Presque machinalement il prit la direction du camp ; il ne pouvait plus se diriger lui-même. Il fallait qu’il se mît entre les mains de quelqu’un. Alors son cœur, cramponné à l’espoir, se remplit de la pensée de sa fiancée. Il allait se livrer à elle.

Prenant courage, il retourna sur ses pas, monta dans le petit tram pressé qui sortait de la ville, dans la direction du camp. Il y resta assis sans un mouvement, le maintien fixe.

Il quitta le tram au terminus et descendit la route. Le vent soufflait toujours. Il entendait le faible murmure de l’orge, que les rafales renforçaient subitement. Le chemin était désert. Complètement détaché de lui-même, il prit un sentier entre les vignes basses. Les ceps s’élevaient en lignes festonnées, avec leurs tendres bourgeons roses, leurs vrilles agitées par la brise ; ils l’intéressaient extraordinairement. Dans une prairie, un peu plus loin, des hommes et des femmes ramassaient le foin. Vers la charrette à bœufs arrêtée le long du chemin, les hommes en chemises bleues, les femmes en coiffe blanche, allaient et venaient, nets et brillants sur le velours ras des prés. Il se vit tout d’un coup seul dans l’ombre, contemplant la triomphante beauté du monde illuminé autour de lui, hors de lui.

La maison du baron, où Émilie était femme de chambre, s’élevait, massive, patinée par les ans, au milieu des arbres, des jardins et des champs. C’était une ancienne ferme du temps des Français. Le camp était tout près. Bachmann, mû par une seule idée, alla vers la cour, et la traversa. Elle était large, ombreuse, fraîche. Le chien, voyant un soldat, sauta et poussa de petits grognements de bienvenue. Il y avait une pompe, sous un tilleul, dans un coin d’ombre et de paix.

La porte de la cuisine était ouverte. Il hésita un instant, puis entra, timide, avec un sourire involontaire. Les deux femmes sursautèrent, mais leur surprise était joyeuse. Émilie préparait le plateau pour le café de quatre heures. Elle se redressa derrière la table toute souriante, le cœur content, rayonnante. Elle avait les yeux vifs et timides d’une petite bête sauvage, un peu farouche.



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