Les exiles by E. M. Remarque

Les exiles by E. M. Remarque

Auteur:E. M. Remarque [Remarque, E. M.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: - Divers
Publié: 2011-12-11T17:08:18+00:00


Ils étaient assis au salon chez les Neumann. C’était la première fois depuis bien longtemps que Kern se trouvait de nouveau dans un appartement.

C’était une pièce installée de façon bourgeoise et sans beaucoup de goût, avec des meubles cossus en acajou, un tapis persan moderne, des fauteuils couverts de reps et quelques lampes avec des abat-jour en soie de couleur, mais il sembla à Kern qu’il avait devant lui une vision de paix, un îlot de sécurité.

« Depuis combien de temps ton passeport est-il échu ? demanda Kern.

– Depuis sept semaines, Ludwig. »

Ruth prit deux verres et une bouteille dans le buffet.

« As-tu demandé une prolongation ?

– Oui. J’étais au consulat à Zurich. On me l’a refusée. Je m’y attendais d’ailleurs.

– Moi aussi, tout en comptant toujours un peu sur un miracle. On nous considère comme des ennemis de l’État. Des ennemis dangereux. Nous devrions en réalité nous sentir des personnages importants. tu ne trouves pas ?

– Cela m’est égal, dit Ruth en posant les verres et la bouteille sur la table. Je n’ai plus d’avantage sur toi maintenant, c’est déjà quelque chose. »

Kern rit. Il la prit par les épaules et désigna la bouteille.

« Qu’est-ce que c’est que cela ? Du cognac ?

– Oui, le meilleur cognac de la famille Neumann. Je vais en boire aussi, parce que tu es là. C’était affreux ici sans toi. C’était effroyable pour moi de savoir que tu étais en prison. Ils t’ont battu, ces bandits. Et tout cela par ma faute. »

Elle le regarda. Elle souriait, mais Kern remarqua qu’elle était énervée. Elle parlait presque avec irritation et sa main tremblait lorsqu’elle remplit les verres.

« C’était affreux, répéta-t-elle en lui donnant son verre. Mais je t’ai retrouvé, c’est l’essentiel ! »

Ils burent.

« Ce n’était pas si terrible, dit Kern, vraiment pas. »

Ruth posa son verre sur la table. Elle l’avait vidé d’un trait. Elle lui entoura le cou de ses bras et l’embrassa.

« Je ne te laisserai plus partir maintenant, plus jamais ! »

Kern la regarda. Il ne l’avait jamais vue ainsi. Un élément étranger, qui autrefois s’était interposé comme une ombre entre elle et lui, s’était effacé. Elle cessait d’être fermée, elle était là de toute sa présence et il sentit pour la première fois qu’elle lui appartenait. Il n’en avait jamais été très sûr jusque-là.

« Ruth, dit-il, je voudrais que le toit se soulève, qu’un avion arrive et nous emmène dans une île lointaine où croissent le corail et les palmiers, et où personne ne se doute qu’il existe des passeports et des permis de séjour. »

Elle l’embrassa de nouveau.

« Je crains qu’ils n’existent même là-bas. Sous les palmes et les coraux, on a certainement installé des forts, des canons et des navires de guerre. La surveillance doit y être plus sévère encore qu’à Zurich.

– Oui, sûrement. Buvons encore un verre. » Il prit la bouteille et versa à boire. « Mais Zurich est bien dangereux. On ne peut pas s’y cacher très longtemps.

– Dans ce cas-là, partons. »

Kern regarda le salon avec les rideaux damassés, les fauteuils et les lampes aux abat-jour de soie jaune.



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