Les enfants du Cap by Rowe Michèle

Les enfants du Cap by Rowe Michèle

Auteur:Rowe, Michèle [Rowe, Michèle]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Editions Albin Michel
Publié: 2016-03-01T23:00:00+00:00


24

Persy la sentait venir depuis le matin, cette tension qui s’accumulait en elle. Elle redoutait de rentrer à l’appartement, de devoir faire face à Donny et à Ferial ; elle en voulait au monde entier, comme si elle était dans une peau qui n’était pas la sienne. La rencontre avec Marge n’avait fait qu’empirer les choses ; elle avait eu furieusement envie de prendre un verre, au Red Herring, ne serait-ce qu’une bière, histoire de se calmer les nerfs, mais elle ne se serait jamais risquée à boire devant la psychologue. Ça non, putain ! L’autre n’attendait qu’une chose, c’était qu’une faille apparaisse dans ses défenses, pour aller trifouiller dans sa tête.

Ces psycho-machins adoraient farfouiller dans l’enfance des gens, alors que les gens, eux, n’avaient qu’une envie : l’oublier.

C’était l’heure entre chien et loup – le début du long crépuscule d’été. Elle aurait pu s’arrêter quelque part du côté de Voortrekker Road, mais elle ne pouvait pas attendre si longtemps. Elle prit la direction de Grassy Park, où elle connaissait un shebeen, mais elle y était déjà allée une fois de trop. Les lumières jaunâtres et sulfureuses des lampadaires ressemblaient à des fleurs blafardes au bout de leurs tiges. Elles éclairaient la voiture par flashes tandis que Persy roulait vers le front de mer, traversait le pont sur la lagune et s’engageait dans Prince George Drive, dépassait la marina puis le secteur de bureaux de Capricorn. Partout des signes de densification urbaine. Des maisons « boîtes d’allumettes » en béton aux fondations instables, construites sur des dunes mouvantes. La beauté naturelle du Cap engloutie par l’avidité des hommes. Une fois dépassés les nouveaux lotissements, Persy se retrouva en territoire familier. Lavender Hill. C’est là que vivaient les oubliés de la société, dans leurs immeubles en parpaings, avec leurs cordes à linge, leur vent, leur chaleur et leur sable, leur désespoir. Persy avait de la famille ici. Des gens qu’elle serait heureuse de ne jamais revoir, même si Poppa était resté en contact avec eux. Cette pensée la ramena à la dernière fois qu’elle avait vu son grand-père, deux semaines auparavant. Elle l’avait trouvé assis dans le jardin du foyer pour personnes âgées St Francis, où une religieuse arrosait des géraniums tout en tiges. Le vent du sud-est avait craquelé la terre des plates-bandes. La pelouse battue par le vent était galeuse. Un faux-poivrier poussait tout contre le mur, mais seuls les lauriers-roses, toxiques et indestructibles, se plaisaient ici.

Poppa jouait aux échecs avec une autre patiente du service de soins aux personnes âgées fragiles, Maria Erntzen, avec qui il s’était lié d’amitié. Persy remarqua avec un pincement au cœur que le pull en coton léger qu’elle lui avait acheté chez Woolworths pendouillait encore plus que la semaine précédente. On l’avait prévenue que le cancer aurait cet effet, qu’il le grignoterait de l’intérieur. Sa peau apparaissait parcheminée dans le soleil ; il y avait de nouvelles taches de vieillesse sur sa figure. La main qu’il tendit pour déplacer son fou était aussi



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