Les enfants de Gogol by Fernandez Dominique

Les enfants de Gogol by Fernandez Dominique

Auteur:Fernandez, Dominique [Fernandez, Dominique]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Grasset
Publié: 1970-12-31T23:00:00+00:00


XIV

Stéphane : nouveaux antécédents

Sur le mur, encadrés sous verre, une suite de dessins d’enfant attira mon regard. La composition de chaque dessin, la couleur, la manière de les enchaîner les uns aux autres pour obtenir une histoire continue, prouvaient une vivacité d’imagination peu commune. L'auteur de ce petit roman avait su exprimer, naïvement mais puissamment, ses préoccupations dominantes. Un petit garçon tout vert, aux cheveux ébouriffés, luttait contre une grosse et grande femme pourvue d’un œil unique sur le sommet de la tête. D’une écriture penchée et studieuse l’artiste avait écrit, en bas du premier tableau, sous les deux protagonistes qui se faisaient face, debout et raides comme deux marionnettes avant le début de l’action : « le petit garçon » et « la sorcière ». Les légendes devenaient de plus en plus longues à mesure qu’on avançait dans le récit.

Le petit garçon rencontrait la sorcière au milieu d’une forêt. La sorcière tenait à la main une coupe. « Elle offre la coupe au petit garçon, mais la coupe est empoisonnée, alors le petit garçon refuse de boire. » Le dessin suivant montrait la vengeance de la sorcière : à la place du petit garçon, se dressait une sorte de bloc rectangulaire, sans visage, sans plus rien d’humain, tout gris. « Alors pour se venger elle ôte la belle couleur verte et transforme le petit garçon en pierre. » Venait ensuite « le miracle de la forêt » : témoins du crime perpétré contre leur petit compagnon, les arbres s’élançaient à son secours, le prenaient dans leurs bras, lui insufflaient leur sève et finalement le rappelaient à la vie. Ce n’était pas tout : ils coupaient une partie de leurs branches et l’aidaient à élever un grand tas auquel ils mettaient le feu. « Alors ils brûlent la méchante sorcière, et les flammes montent si haut, si haut, qu’on les voit par-dessus les arbres de la forêt, et les gens du monde entier, même de l’autre côté des océans et des montagnes, se réjouissent parce qu’on brûle la sorcière. » Sur le dessin d’après, à côté du bûcher qui achevait de se consumer dans un coin, arrivait à toute vapeur une petite locomotive bleue traînant des wagons de souliers. « La locomotive est bleue comme le ciel. Elle siffle et elle envoie des panaches de fumée pour annoncer la bonne nouvelle de toute cette quantité de souliers neufs qu’elle apporte. Alors le petit garçon choisit une paire de souliers neufs et les arbres de la forêt mettent aussi des souliers neufs et ils s’en vont joyeusement en se tenant par la main. » Néanmoins, comme si ce happy end n’était nullement définitif, le dernier tableau recopiait trait pour trait la scène du bûcher. Le petit garçon et ses amis les arbres, à nouveau, mettaient le feu à un tas de branches. « Tous les ans il faut recommencer à brûler la sorcière car son œil reste ouvert dans les flammes et tant que son œil reste ouvert on doit craindre qu’elle revienne.



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