Les Disparues de Shanghaï by Peter May

Les Disparues de Shanghaï by Peter May

Auteur:Peter May
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782812608315-112408
Éditeur: Éditions du Rouergue
Publié: 2014-01-15T00:00:00+00:00


Chapitre 14

I

Le campus de l’université médicale de Shanghai s’étendait derrière de hauts murs gris de chaque côté de Dongan Lu, un fouillis de bâtiments à deux étages reliés par des routes bordées d’arbres. Les étudiants circulaient à pied ou à vélo loin des encombrements de la ville, sous un rayon de soleil automnal qui égayait l’ensemble.

Li et Mei Ling avaient fait le trajet en silence. Elle s’était montrée assez joviale en arrivant à l’hôtel, passant sous silence la soirée désastreuse de la veille – et le bleu sur la joue de Li. Mais elle était très pâle. Après l’avoir informé qu’ils avaient rendez-vous avec un professeur de Jiang Baofu, elle n’avait plus rien ajouté.

Le professeur Lu était un homme puissant au visage aplati et aux yeux très fendus ; son accent trahissait des origines du nord-ouest de la Chine. Il portait une blouse blanche ouverte sur un gilet de laine et un pantalon large, et les rares fois où il retirait sa cigarette de sa bouche, c’était pour la brandir devant lui entre ses doigts tachés de nicotine.

– Jiang Baofu ?

Il souffla un nuage de fumée.

– Un étudiant brillant.

Il remua des papiers d’un air absent. Le soleil filtrait dans la petite pièce à travers les lamelles d’un store vénitien et jouait sur la fumée de sa cigarette.

– Depuis le temps que j’enseigne, je ne me souviens pas d’avoir eu un étudiant plus doué. Il manie le scalpel comme s’il était né avec. S’il le voulait, il pourrait devenir l’un des meilleurs chirurgiens de ce pays.

Il s’arrêta un instant, leva les yeux de ses papiers, et ajouta :

– J’espère que non.

Li fronça les sourcils.

– Pourquoi ?

– Parce que ce jeune homme s’intéresse plus aux morts qu’aux vivants.

– Que voulez-vous dire ?

– Je veux dire qu’il a pour la mort une obsession malsaine. Ici, nous essayons d’inculquer à nos étudiants la bienveillance et le sens du bien-être des patients.

Il lança un regard froid à Mei Ling.

– Même si nous ne réussissons pas toujours.

Li regarda Mei Ling, troublé par ce sous-entendu qu’il ne comprenait pas. Il avait perçu une certaine familiarité entre elle et le professeur Lu quand ils s’étaient dit bonjour, pensé que cela venait du fait qu’ils s’étaient déjà parlé au téléphone ; il comprenait maintenant qu’il s’agissait d’autre chose. Mais Mei Ling demeura impassible.

– Jiang Baofu, lui, poursuivit le professeur Lu, ne s’intéresse absolument pas aux patients, seulement aux mécanismes du corps et aux techniques de la chirurgie. Il a passé des heures à disséquer des corps donnés à la science. Nous avons essayé de le persuader qu’il pourrait peut-être exercer ses talents dans le domaine de la médecine légale.

Il adressa à Li un regard dépourvu de sympathie et ajouta d’un ton pincé :

– Je suis certain que ce serait une bonne recrue pour vos services.

Il alluma une nouvelle cigarette à la précédente.

– Mais il ne s’est pas encore décidé.

– S’il est aussi doué, ses talents seraient peut-être plus utiles aux vivants ?

Le professeur le regarda du coin de l’œil à travers la fumée.



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