Les Coquillages de M. Chabre by Émile Zola

Les Coquillages de M. Chabre by Émile Zola

Auteur:Émile Zola
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: GrandsClassiques.com
Publié: 2018-02-15T00:00:00+00:00


4

Un soir, Hector dit au ménage :

« Nous aurons demain une grande marée… On pourrait aller pêcher des crevettes. »

La proposition parut ravir Estelle. Oui, oui, il fallait aller pêcher des crevettes ! Depuis longtemps, elle se promettait cette partie. M. Chabre éleva des objections. D’abord, on ne prenait jamais rien. Ensuite, il était plus simple d’acheter, pour une pièce de vingt sous, la pêche de quelque femme du pays, sans se mouiller jusqu’aux reins et s’écorcher les pieds. Mais il dut céder devant l’enthousiasme de sa femme. Et les préparatifs furent considérables.

Hector s’était chargé de fournir les filets. M. Chabre, malgré sa peur de l’eau froide, avait déclaré qu’il serait de la partie ; et, du moment qu’il consentait à pêcher, il entendait pêcher sérieusement. Le matin, il fit graisser une paire de bottes. Puis, il s’habilla entièrement de toile claire ; mais sa femme ne put obtenir qu’il négligeât son nœud de cravate, dont il étala les bouts, comme s’il se rendait à un mariage. Ce nœud était sa protestation d’homme comme il faut contre le débraillé de l’océan. Quant à Estelle, elle mit simplement son costume de bain, par-dessus lequel elle passa une camisole. Hector, lui aussi, était en costume de bain.

Tous trois partirent vers deux heures. Chacun portait son filet sur l’épaule. On avait une demi-heure à marcher au milieu des sables et des varechs, pour se rendre à une roche où Hector disait connaître de véritables bancs de crevettes. II conduisit le ménage, tranquille, traversant les flaques, allant droit devant lui sans s’inquiéter des hasards du chemin. Estelle le suivait gaillardement, heureuse de la fraîcheur de ces terrains mouillés, dans lesquels ses petits pieds pataugeaient. M. Chabre, qui venait le dernier, ne voyait pas la nécessité de tremper ses bottes, avant d’être arrivé sur le lieu de la pêche. Il faisait avec conscience le tour des mares, sautait les ruisseaux que les eaux descendantes se creusaient dans le sable, choisissait les endroits secs, avec cette allure prudente et balancée d’un Parisien qui chercherait la pointe des pavés de la rue Vivienne, un jour de boue. Il soufflait déjà, il demandait à chaque instant :

— C’est donc bien loin, M. Hector ? Tenez ! Pourquoi ne pêchons-nous pas là ? Je vois des crevettes, je vous assure… D’ailleurs il y en a partout dans la mer, n’est-ce pas ? Et je parie qu’il suffit de pousser son filet.

— Poussez, poussez, M. Chabre, répondait Hector.

Et M. Chabre, pour respirer, donnait un coup de filet dans une mare grande comme la main. Il ne prenait rien, pas même une herbe, tant le trou d’eau était vide et clair. Alors, il se remettait en marche d’un air digne, les lèvres pincées. Mais, comme il perdait du chemin à vouloir prouver qu’il devait y avoir des crevettes partout, il finissait par se trouver considérablement en arrière.

La mer baissait toujours, se reculait à plus d’un kilomètre des côtes. Le fond de galets et de roches se vidait, étalant à perte de



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