Les ciels de la baie d'Audierne by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2011-09-10T19:13:00+00:00

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C’est après qu’on eut rendu visite à mémé Mérour que maman eut l’idée d’adresser son CV à des maisons de retraite. Pendant que petit Louis et moi passions l’essentiel des grandes vacances chez papy à Audierne et qu’elle attendait de signer l’acte de vente de la villa, maman traça sur la carte un cercle d’une trentaine de kilomètres de diamètre autour de Rennes, consulta le Minitel, écrivit et téléphona. Elle reçut plusieurs réponses positives, parmi lesquelles le choix d’un établissement proche de la Poulinière s’imposa : pavillon HLM disponible dans la zone, cité scolaire avec service de cars, école primaire à proximité pour petit Louis, liaison routière facile et rapide aussi bien avec la prison de Rennes, par la quatre voies, que par une petite route départementale avec la maison de retraite où un poste d’aide-soignante se libérait début septembre.

Liaison routière facile et rapide : à condition d’avoir une voiture en état de marche… Trop long de dix centimètres, le break Ford couchait dehors. Bel objet de convoitise pour les désosseurs de la Poulinière. Au deuxième matin de notre installation, la voiture reposait sur des briques, privée de ses quatre roues. Petit Louis pleura. Je lui dis que ce n’étaient que des roues de voiture.

Il bégaya :

— Mais… mais…

Le reste ne sortait pas. Que voulait-il dire ? Des choses qui lui faisaient peur. Je crois que c’est ce matin-là que le monde extérieur lui apparut comme définitivement hostile.

— C’est pas possible, on est maudits, souffla maman. On aurait mieux fait de garder la Twingo… Cette merde ne finira donc jamais ? À peine sort-on la tête hors de l’eau qu’on nous la remet dedans.

— Tu vas porter plainte ?

— Aller voir les flics ? Ça me ferait mal aux seins ! Ils seraient capables de me remettre en taule…

En bordure de la quatre voies, à la sortie de l’échangeur vers la zone, on n’avait pas manqué d’apercevoir le vaste parking d’un marchand de voitures d’occasion et, à côté, l’amoncellement d’épaves d’une casse automobile. Maman téléphona au garage. Ils vinrent illico, avec quatre roues d’occasion.

— Marrant, dit maman, on dirait les nôtres…

En deux temps trois mouvements, maman négocia le troc du break Mondeo contre une Nissan Micra, après l’avoir mesurée afin de s’assurer qu’elle entrerait dans le garage et qu’on pourrait fermer la porte.

— Je me suis fait arnaquer, mais bon, c’était ça ou se retrouver avec un squelette de break dans huit jours. Ils auraient repiqué les roues, et puis les portières, et les sièges et le reste. Comment j’aurais fait pour aller au boulot ? Encore heureux que cette semaine je sois du soir, sinon j’étais bonne pour prendre un taxi…

Les maisons de retraite sont presque toutes baptisées de charmants noms de fleurs : les Magnolias, les Lilas, les Hortensias, les Dahlias, les Fuchsias, les Et cetera, mais jamais les Chrysanthèmes. Assez fréquents sont aussi les noms de saints et de saintes de la région, auteurs de miracles variés, sauf celui dont tout un chacun souhaiterait bénéficier, celui de la résurrection.

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