Les chaines du dragon by Patricia Briggs

Auteur:Patricia Briggs [Briggs, Patricia]
La langue: fra
Format: epub
Tags: - Divers
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Nous avons dressé le campement près d’un petit torrent et nous nous nettoyons tous vigoureusement dans ses eaux claires. Tosten et Ciarra ont fini d’installer le bivouac en notre absence. Il ne nous reste plus qu’à toiletter les chevaux et à préparer le repas. Mon frère et ma sœur n’ont pas grand appétit ce soir.

Ciarra reste agrippée au bras de Tosten et semble m’ignorer délibérément. C’est dur pour moi mais je la comprends. Je sortirais de moi-même si je pouvais le faire. Bien sûr, je ne regrette pas d’avoir écourté le martyre du jeune bandit. Ce que je déplore, c’est d’avoir été placé devant la nécessité de le faire. Et puis, malgré toutes les postures que j’affecte pour le faire oublier, cela rappelle que je suis bien le fils de mon père.

Les gens se demandent souvent pourquoi mon père, qui manifestement éprouvait de la haine pour Tallven plus que pour Oranston (parce qu’il payait la dîme à Tallven et non à Oranston), s’était battu si vaillamment dans le camp de Tallven lors de la révolte d’Oranston. Je le sais, moi. Depuis le jour où j’ai tué mon premier bandit et où j’ai éprouvé la même excitation que lui. J’aime sentir mon fer mordre dans la chair humaine, tailler dans le muscle, plonger dans les entrailles avec toute la vigueur de mon bras. Même l’obligation d’achever le gosse, tout à l’heure, n’a pas entièrement tué en moi l’euphorie de la bataille. Il m’arrive de me demander si un jour je ne vais pas m’éveiller et m’apercevoir que je suis mon père.

Je confie le troisième tour de garde à Tosten et Ciarra, me réservant le deuxième en compagnie d’Oreg. En fait, j’ai l’intention d’« oublier » de les réveiller. S’ils peuvent dormir un peu plus et récupérer, ce sera parfait.

Je n’ai toujours pas fermé l’œil quand Penrod vient me dire que c’est à moi de prendre la relève. J’attends qu’il se soit rendormi ainsi qu’Axiel et je vais rejoindre Oreg près du feu, où il est en train de raccommoder sa chemise.

— Oreg, dis-je, que se passerait-il si par hasard tu mourais au combat ?

— Les murailles d’Hurog s’effondreraient toutes les unes après les autres, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un amas de pierres.

Après avoir déclamé cette prophétie sur un ton dramatique, il tire un fil, l’arrête puis me regarde avec un petit sourire.

— Crois-tu réellement que, si j’avais pu, je n’aurais pas tout tenté pour me soustraire à cette vallée de larmes ? me demande-t-il. Hélas, mon père ne m’a pas laissé le choix. Je peux être blessé, torturé, mais seul celui qui porte l’anneau peut me tuer.

— Ah ! C’est moi et aucun autre, dis-je en plongeant mon regard dans le noir de la nuit.

C’est vrai, il me l’avait déjà dit.

— Dis-moi un peu…, reprend-il. Tu es aussi nerveux que le brave Pompon au passage d’une jument.

J’hésite un court instant avant de répondre :

— La guerre m’étonne toujours. Tous ces hommes qui meurent comme de rien. Pourtant, chaque fois que je tire mon épée au clair, je m’attends à ce que ce soit différent.

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