Les bras de la nuit by Frédéric Dard

Auteur:Frédéric Dard [Dard, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier thriller
Éditeur: 12-21
Publié: 2013-05-14T16:00:00+00:00

CHAPITRE V

Après le départ de ce salaud de Keyes, j’étais brisé de fatigue comme si j’avais fourni un effort démesuré.

La tension nerveuse était trop forte pour moi. J’étais empêtré dans ce violent amour, dans cet amour désespéré et intense que je portais à Doris. J’avais envie d’envoyer promener la police et sa séquelle de plaques, d’auxiliaires et de gradés.

Moi aussi, j’avais envie de partir… D’aller loin de tout en tenant sa main… Jamais je ne me déciderais à la lâcher…

J’ai bu une grande rasade de whisky pur, à même le goulot. Puis j’ai exécuté quelques mouvements respiratoires devant ma fenêtre… En face de chez moi, de l’autre côté de la cour, un vieux bonze maigrichon en faisait autant en brandissant des haltères qui auraient pu servir de hochet à un nouveau-né.

Je le connaissais de vue ; il travaillait dans une maison d’édition spécialisée dans les bouquins documentaires.

– Moi, c’est les deltoïdes ! m’a-t-il lancé amicalement.

Il avait bonne mine, avec ses deltoïdes ! Il pesait tout de suite quatre-vingts livres, ses trente-deux dents en or y comprises !

J’ai abandonné la fenêtre pour m’emparer du téléphone… Je me suis aperçu alors que je n’avais pas son numéro de téléphone et j’ai dû le chercher dans l’annuaire… Lorsque la sonnerie a retenti, chez elle, quelque chose m’a fait mal dans la poitrine. J’ai reconnu sa chère voix… Une voix rauque et « physique » qui éveillait en moi un désir charnel.

– Doris ?

– Oui, je viens de rentrer… Que voulait le bull-dog ?

– Pff… des trucs… Je…

J’allais lui parler de mon amour, mais je me suis souvenu à temps que son téléphone était à la table d’écoute. Mes subordonnés se seraient offert des instants de qualité si je n’avais eu ce réflexe…

– Il faut que je vous parle immédiatement, ne bougez pas, j’arrive !

– Je vous attends !

C’est fou ce qu’on peut mettre d’intentions secrètes dans la plus banale des phrases. Ainsi, son « je vous attends » contenait plus de ferveur que les plus célèbres lettres d’amour.

J’ai raccroché, le feu aux tempes.

Puis, je suis allé achever ma toilette.

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