les bandits tragiques by Victor Méric

les bandits tragiques by Victor Méric

Auteur:Victor Méric [Méric, Victor]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Document
Éditeur: Domaine Public


Rirette devait, cependant, les retrouver.

Un jour, quelqu’un lui dit :

— Callemin et Garnier ont absolument besoin de te voir. Ils te fixent un rendez-vous, ce soir à six heures et demie, rue du Temple.

Elle hésita, non pour elle, mais pour eux.

Elle se sentait de plus en plus surveillée.

Mais elle eut honte de sa faiblesse. Elle se rendit à l’endroit convenu.

Ils étaient là, tous deux, plantés au coin de la rue. C’était le moment de la sortie des ateliers et des magasins, la cohue. Une foule compacte circulait autour des deux hommes sans se douter le moins du monde qu’elle coudoyait deux des féroces bandits dont les journaux contaient les exploits. Employés et ouvriers regagnaient hâtivement leur logis, sans se soucier des théories illégalistes, obéissant à l’habitude qui leur tenait lieu de nature, esclaves incurables n’ayant d’autre horizon que la servitude.

Les deux bêtes traquées paraissaient noyées dans une marée humaine.

Callemin s’avança le premier, souriant.

— Bonjour, madame Claudine, dit-il.

Garnier ajouta, chaleureusement :

— Ça, c’est gentil d’être venue.

Tous trois se prirent à bavarder, sans s’occuper de la circulation qu’ils gênaient. Un agent, paternel, débonnaire, l’agent de Crainquebille au dénouement, s’approcha du trio :

— Allons, allons !… ne restez pas là… Vous voyez bien que vous obstruez…

D’un même mouvement, à la vue du serviteur de l’autorité, Garnier et Callemin avaient mis leurs mains dans leurs poches.

— Allons, fit encore le brave agent, je vous dis de circuler !

Le pauvre diable était à cent lieues des bandits en automobile.

Garnier grogna :

— C’est bon… on s’en va…

Ils partirent. Devant un bouillon-restaurant, ils s’immobilisèrent. Garnier proposa :

— Je vous offre à dîner ?

Ils s’installèrent, dans la salle, à une table bien en vue.

C’était la seule table libre. Autour d’eux, les clients prenaient paisiblement leur repas, lisaient les journaux, têtes penchées, très attentifs.

— Cent mille francs, dit l’un, à qui livrera les bandits.

— C’est une somme, sais-tu, murmura à la table voisine, une toute jeune femme qui s’adressait à son ami.

Callemin se dressa, rayonnant :

— Une Belge, s’écria-t-il, une compatriote.

Et, redevenu gamin, exagérant l’accent, il interpella la jeune femme :

— Ça, mademoiselle, savez-vous, vous venez de dire une bonne chose. J’ai pensé, comme ça, souvent, avec vous. Moi aussi, je voudrais bien profiter avec ces cent mille francs. Mais je sais bien, savez-vous, que je n’aurai jamais ce bonheur.

Garnier se tordait.

Ils étaient devenus tout à fait fatalistes. Ils ne se cachaient plus. Ils ne se gênaient en rien. Ils allaient, droit devant eux, le nez au vent, dans la vie. Bah ! on verra bien. Après nous la fin du monde.

— On n’ose pas nous arrêter, affirmait Garnier.

— Ça peut durer longtemps, très longtemps, appuyait Callemin.

— Ça durera toujours autant que nous, conclut Garnier, avec un gros rire.



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