Les Animaux funèbres by Brussolo Serge

Les Animaux funèbres by Brussolo Serge

Auteur:Brussolo,Serge [Brussolo,Serge]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique
ISBN: 9782265036765
Google: iOOuHAAACAAJ
Éditeur: Fleuve Noir Anticipation
Publié: 1987-08-31T22:00:00+00:00


CHAPITRE VI

Toute la nuit, David fut poursuivi par des rêves absurdes qui transformèrent son sommeil en une gigantesque partie de scenic railway. Ballotté par les cauchemars, il n’émergeait de l’inconscience que pour mieux retomber dans le gouffre des chimères. Chaque fois qu’il ouvrait l’œil, il savait que la vague de fond allait le rattraper pour l’aspirer à des profondeurs vertigineuses.

Il crut voir Zamacuco, debout dans sa cabane. Dans la mauvaise lumière de la lampe à pétrole, le géant alignait les différentes coupes gagnées au cours de sa vie à l’occasion des championnats de lutte indienne auxquels il avait pris part. Les trophées, aux formes alambiquées, brillaient dans la pénombre comme des urnes funéraires. Il y en avait des dizaines. Certains portaient, gravées sur leurs flancs, des pyramides aztèques ou des serpents à plumes. Le colosse les astiquait en marmonnant d’incompréhensibles litanies.

Le rêve avait un tel caractère de réalité, que David eut l’impression d’être en train d’épier le débile par l’une des fentes de sa baraque.

« Je rêve, se répétait-il, je vais me réveiller… Je ne suis pas là-bas, de l’autre côté des barbelés… Oh non ! »

Mais déjà Zamacuco brandissait un chat efflanqué. Sa paume énorme emprisonnait l’animal de tous côtés, l’enveloppant dans une prison de muscles et de cal.

« Il faut que je me réveille ! » sanglota David.

Le géant tenait la tête au-dessus des coupes d’argent. Enfin sa main libre s’abattit sur la tête du chat, qu’elle recouvrit tout entière… et l’arracha, comme on débouche une bouteille. Le sang jaillit, mousseux, plein de bulles, pour couler en flot lourd dans une coupe au socle de marbre noir.

La tête du petit félidé roula sur le sol…

À présent Zamacuco buvait à longs traits…

David se réveilla en suffoquant, trempé de sueur. Le reste de la nuit ne fut pas meilleur.

Au matin, il trouva tante Abaca installée dans son rocking-chair, les yeux mi-clos. Il lutta contre l’envie qui le prenait soudain de la secouer en lui criant aux oreilles :

« Tu n’es pas malade ! C’est dans ta tête ! Remue-toi un peu, les Zotès volent au-dessus de nous comme des charognards. Si tu te laisses glisser ils s’abattront sur la citerne. Résiste ! Fais un effort ! »

Mais il ne dit rien.

Depuis qu’elle avait été empoisonnée par la fumée d’un cigare Pepe Chorizon, Abaca vivait en marge des vivants. David l’avait accompagnée dans sa déchéance. Il avait descendu un à un tous les échelons de l’échelle sociale. Il était passé d’un pensionnat huppé aux logements pourris des bas quartiers. Il avait troqué ses vêtements de prix contre des hardes. D’écolier studieux, il était devenu livreur de potions magiques.

Un cigare avait causé la ruine d’Abaca. Un pur havane, un de ces gros barreaux de chaise qu’elle allumait pour les cérémonies d’exorcisme, lorsqu’il s’agissait de faire fuir le démon en soufflant de la fumée dans le visage d’un possédé.

Quand tout allait bien, l’esprit malin quittait le corps de sa victime comme une bête dont on vient d’enfumer le terrier.

Quand tout allait bien…

Il fallait



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