Les échoués (Don Quichotte, 20 août) by Manoukian Pascal

Les échoués (Don Quichotte, 20 août) by Manoukian Pascal

Auteur:Manoukian, Pascal [Manoukian, Pascal]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Don Quichotte
Publié: 2014-12-31T23:00:00+00:00


Le fourgon s’immobilisa une quinzaine de minutes plus tard. M. Woo les fit passer par l’arrière du chantier et grimper discrètement au dixième étage d’une tour en construction. Façades, planchers, toit terrasse : le gros œuvre était terminé. Restait à installer les balcons, les rambardes, les huisseries et les séparations intérieures.

Les hommes prirent l’escalier en béton qui tournait autour d’un trou béant, la cage du futur ascenseur, et échouèrent jambes coupées sur l’immense plateau du huitième, encombré de bétonneuses.

Le Chinois leur indiqua une pile de fenêtres et de portes, posées en « L » en face d’un coin de mur. Les deux angles de quarante-cinq degrés, l’un en face de l’autre, formaient un espace de quinze mètres carrés environ, protégé des regards. On y accédait par un étroit passage d’une quarantaine de centimètres, laissé libre entre l’empilement de portes et un des deux murs.

« Vous dormir là », leur ordonna M. Woo.

Des vieux matelas encombraient le sol.

Virgil et Assan en choisirent deux, côte à côte.

« Si la police venir, cacher vite ici ! » ajouta le Chinois.

L’immeuble se dressait en face d’un ensemble de deux tours construites dans les années soixante-dix. Un parking de cinquante mètres à peine séparait les appartements habités de ceux en construction. À chaque niveau, on pouvait voir distinctement à l’intérieur des salons et des chambres en vis-à-vis.

Dans l’immeuble en construction, à la place des futures portes-fenêtres, d’immenses ouvertures donnaient dans le vide.

Virgil s’approcha. Il était environ 9 h 30 du matin.

« Toi faire gaffe, avertit le Chinois. Pas assurance ! »

La vue le réconforta. Quelques bruits montaient jusqu’à lui. En bas, le chantier grouillait d’engins et d’hommes en casque. Certains en costume allaient et venaient, plans à la main. Virgil se demanda si ces hommes montaient parfois au huitième.

En face, dans l’un des appartements, une femme et une petite fille se préparaient à sortir. À la manière dont elles se prenaient dans les bras, Virgil imagina une mère avec sa fille. Il les observa aller et venir dans l’encadrement de la fenêtre du salon, comme sur un écran de cinéma.

Dans la pièce, posés sur une épaisse moquette blanche, trônaient deux canapés de cuir noir devant un immense écran plat. Entre les deux canapés, une sculpture en bois d’un jeune Noir debout, habillé d’un pagne et d’un gilet doré, tenant sur sa tête un lustre à six branches. Dans un coin salon, une large table en métal gris aux allures d’ancien établi. Tout un pan de mur était orné de livres jusqu’au plafond.

« J’aimerais bien avoir des nouvelles d’Iman », lui dit Assan en s’approchant.

La petite fille partit chercher quelque chose dans sa chambre. Virgil la suivit des yeux. Elle regarda sous son lit.

« Je suis sûr qu’elle va bien », lui répondit-il.

L’enfant attrapa un petit sac à dos et repartit dans l’autre pièce. À vue d’œil, la mère devait avoir quarante ans, la fillette une douzaine d’années. Il se demanda quand il retrouverait un jour le confort d’un appartement. Un petit vent frais le fit frissonner, à moins que ce ne soit autre chose.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.