L'envol by Sophie-Julie Painchaud

Auteur:Sophie-Julie Painchaud [Painchaud, Sophie-Julie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Québéquois
ISBN: EPUB9782894554470-42408
Éditeur: Guy Saint-Jean Editeur
Publié: 2010-12-25T05:00:00+00:00

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Paul-Émile… à propos d’Adrien

Tout le monde a appris la nouvelle du mariage d’Adrien comme si l’on avait reçu une invitation en bonne et due forme pour aller à des funérailles. Personne n’était dupe. Avec la vigueur remarquable dont Adrien fit preuve lorsqu’il annonça ses éventuelles épousailles, nous savions tous qu’il allait se marier «obligé», comme le voulait l’expression à l’époque. Aucun d’entre nous n’avait encore entendu parler de Denise, alors nous avions rapidement conclu que notre copain était victime d’une aventure d’un soir ayant mal tourné.

Je ne sais pas ce que j’aurais fait à la place d’Adrien. Ce genre de question hypothétique — qu’est-ce que j’aurais fait, si… — qui ne fait jamais avancer les choses, qui n’arrive jamais à résoudre le moindre problème, m’a toujours tombé sur les nerfs. Je préfère m’en tenir aux choses concrètes, plutôt que de donner dans l’utopie. Et, dans ce cas-ci, une situation comme celle que vivaient Adrien et Denise, à l’époque, voulait que le gars et la fille organisent une noce en quatrième vitesse, histoire de faire croire que l’enfant n’avait pas été conçu dans le péché et, surtout, que la mariée ne se présente pas à l’église avec le bébé pendant au bout du cordon ombilical. Ou encore que la fille se découvre soudainement une tante vivant à Rimouski ou à Mont-Laurier qu’elle devait absolument visiter, ne revenant que quelques mois plus tard, bébé en moins et vergetures en plus.

Je ne saurai jamais ce que j’aurais fait à sa place, mais Adrien, malgré l’envie de fuir dans les bois à la pensée de partager ne serait-ce qu’une tranche de pain sec avec Denise, s’était fait violence en assumant l’entière part de ses responsabilités. Que pouvions-nous faire d’autre qu’exprimer des félicitations plus ou moins sincères ayant, en réalité, toutes les apparences de condoléances?

La cérémonie elle-même se tint à Saint-Pierre-Apôtre, alors que les sandwichs aux œufs, au jambon et au poulet attendaient sagement au sous-sol, et fut le plus bel hommage à tout ce qu’une cérémonie de mariage ne devrait pas être. Adrien ressemblait en tous points à un lion du Zoo de Granby venant d’être mis en cage alors que le gardien lançait devant ses yeux la clé au bout de ses bras, tandis que Denise entra à l’église avec la même expression qu’une enfant de huit ans se faisant traîner chez le dentiste pour y subir son premier plombage. Madame Mousseau, la mère d’Adrien, s’était mise à pleurer comme une hystérique au beau milieu de la cérémonie, convaincue que son fils unique se dirigeait tout droit vers une vie conjugale aussi insignifiante que la sienne, tandis que monsieur Mousseau ne s’était même pas donné la peine de se déplacer pour soutenir son propre fils. Les collègues de Saint-Jean-de-Brébeuf et de Sainte-Philomène, pour leur part, ne s’étaient pas gênés pour lancer des paris en foulant le perron de l’église, sachant très bien que cette union se dirigeait tout droit vers un échec retentissant, et je pus même apercevoir un collègue d’Adrien échapper deux

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