L'Entre-Images 2 by Raymond Bellour

L'Entre-Images 2 by Raymond Bellour

Auteur:Raymond Bellour [Bellour, Raymond]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: POL Editeur
Publié: 2012-04-15T04:00:00+00:00


Sur la scène du rêve, quand le rêveur y pénètre à nouveau, deux images surgissent, images de peinture qui éclairent son rêve.

La première est une chapelle. Celle du Pinturrichio, à Spello. Le rêveur y est entré, quelques semaines auparavant, avec une jeune femme qui devient une des héroïnes possibles de la figure inconnue qui redessine dans son rêve les dessins de Lacan et le critique en donnant à la pièce, pourtant semblable aussi à une chambre close, son apparence de théâtre ou de salle de projection, puisque la figure se tient, assise, sur le bord d’un invisible quatrième côté. On pénètre dans la chapelle, on illumine ses murs peints et on voit mieux comment, sur le mur de gauche, une autre lumière surgit, sous la forme d’un rayon doré s’achevant dans un corps d’oiseau. L’Annonciation est la figure du désir classique et de sa représentation, le symbole serein et éperdu de toute histoire peinte.

La seconde image est aussi une image triple dont le souvenir revient au rêveur grâce à une amie attentive. Cette amie lui rappelle qu’il a projeté de lire ou relire, dans ce temps où se vit le rêve, le livre de Deleuze sur Bacon, grand peintre de triptyques (« Finalement, chez Bacon, il n’y a que des triptyques : même les tableaux isolés sont, plus ou moins visiblement, composés comme des triptyques »). Par là aussi il est un grand peintre de la Figure, à partir de laquelle Deleuze développe une « logique de la sensation » qui creuse la figuration, ouvrant sur la modulation, qu’aucun symbole ne retient, la figure qui porte, après Cézanne, l’analogie au-delà d’elle-même. Dans ces filages monstrueux qui emportent chez Bacon formes et couleurs dans une défiguration sensible, et qui sont en un sens très proches des effets que la photo et la vidéo surtout ouvrent dans le corps du cinéma, on peut être tenté de lire une réponse à la figure de l’anamorphose, folle mais bien rangée et circonscrite, qui se tient au pied des ambassadeurs dans le tableau de Holbein choisi par Lacan pour illustrer le premier volume publié de son séminaire.

Car il s’agit bien pour le rêve d’opposer un Deleuze caché sans doute aussi dans la figure de la jeune femme, qui attaque Lacan à propos de ce trait vertical, véritable « trait unaire », effet de signifiant faisant consister, comme celui-ci l’exprime, le premier des trois tableaux qui semble ainsi se rattraper de son trop simple passage à l’abstraction, comme au-delà de la figure à l’œuvre dans la figuration.

Le rôle du second tableau est double. À demi effacé par la main qui se joue, il suggère l’espace de transformation aléatoire dans lequel l’image-vidéo comme l’image digitale précipitent l’image-cinéma. Le peintre choisi fait cette fois monter Barthes à côté de Lacan (c’est par le beau texte de Barthes que j’ai connu Twombly). L’essentiel de la peinture-écriture de Twombly est de libérer la peinture de la vision, d’y inscrire avec une délicatesse extrême le geste et le corps, de nous donner à saisir un trait aérien, enfantin, inachevé.



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