L'enfant du train by Ruth Druart

L'enfant du train by Ruth Druart

Auteur:Ruth Druart
La langue: eng
Format: epub
Éditeur: City Edition
Publié: 2021-05-26T10:05:46+00:00


44

Charlotte

Le Sud, 3 juin 1944

Florentino a peut-être raison, après tout. Mieux vaut attendre avant de traverser la rivière. C’est la partie la plus dangereuse de notre périple, et au moins, nous aurons le temps de récupérer un minimum.

Nous marchons encore une grosse heure, puis Florentino nous désigne un gros bloc de roche, un peu à l’écart de la rive, et nous nous installons derrière. Je pousse un soupir de soulagement, heureuse de pouvoir enfin me reposer, bien que nous ayons convenu de procéder par quarts : l’un de nous devra rester aux aguets pendant que les deux autres dorment. J’ai une peur bleue de m’endormir… Je suis si fatiguée que j’ai plusieurs fois manqué tomber durant notre journée de marche. Aussi, quand vient mon tour, je veille à ce que ce soit l’heure de nourrir Samuel. J’ai pris le coup, maintenant, et j’aime le regarder boire au biberon. Ses yeux se ferment peu à peu tandis que ses petits doigts s’ouvrent et se referment comme s’ils cherchaient quelque chose à agripper. Je lui donne mon pouce et il s’en saisit aussitôt, s’y accrochant comme s’il craignait que je ne disparaisse. Sa totale dépendance me bouleverse, m’incite à le rassurer par tous les moyens.

Je murmure :

— N’aie pas peur, je ne vais pas te laisser.

Il tète en remuant les jambes. Je saisis un de ses petits petons pour l’embrasser.

Dans l’après-midi, nous continuons à longer la rivière, toujours sur le qui-vive, redoutant à chaque instant l’apparition d’une patrouille de soldats allemands. Je n’ose pas regarder les flots bouillonnants. Chaque fois, cette vue m’envoie des décharges de terreur dans tout le corps et m’emballe le cœur – lorsque je ne le sens pas carrément cesser de battre. Nous ne pouvons même plus échanger quelques paroles, le fracas de l’eau couvre nos murmures.

Après un en-cas frugal composé de noix et de fromage, nous attendons la tombée du soir. Enfin, nous ôtons nos espadrilles que nous fourrons dans le sac à dos de Jean-Luc. Je reprends Samuel qui s’est réveillé et regarde autour de lui d’un regard flou, comme s’il percevait le danger.

— Prends un bon appui. Le courant est fort, me prévient Florentino.

Me retenant de lever les yeux au ciel, je me tourne vers Jean-Luc.

— Tu peux vérifier que la taie est bien nouée dans mon dos ?

Pour la troisième fois, Jean-Luc vérifie que mon écharpe de fortune plaque correctement Samuel contre ma poitrine et que le nœud n’est pas susceptible de se défaire.

— Ne t’inquiète pas, il ne peut pas tomber.

Florentino retrousse le bas de son pantalon et entre dans la rivière. Une fois qu’il a trouvé un appui sûr, il me tend la main, mais c’est à peine si je la distingue dans la lumière déclinante. Prenant une profonde inspiration, je fais un pas dans l’eau, serrant d’une main Samuel contre moi, l’autre tendue vers Florentino. L’eau glacée me coupe le souffle tandis que le courant tire méchamment sur mes jambes. L’estomac noué, je plaque Samuel contre ma poitrine, terrifiée à l’idée que la taie ne se dénoue.



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