L'Empathie - Antoine Renand by Antoine Renand

Auteur:Antoine Renand
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Groupe Robert Laffont
Publié: 2019-01-23T16:00:00+00:00

Il travaillait dans son bureau lorsque l'information tomba à la brigade du viol. Des internautes avaient signalé la vidéo, puis un appel téléphonique du ministère de l'Intérieur avertit Euvrard qu'un nouveau message d'Alpha circulait sur la toile. Dès qu'il eut raccroché, on lui envoya le lien dans un e-mail.

Euvrard fit un boucan pas possible dans les couloirs afin de donner l'alerte, ordonnant à tous les membres de la brigade de se réunir sur-le-champ dans son bureau. Il voulait que tout le monde découvre la vidéo en même temps ; seule une poignée de collègues manquait, dont Marion faisait partie.

Euvrard s'assit sur sa chaise face à son ordinateur, et tous les flics se rassemblèrent derrière lui, debout en arc de cercle. Le commandant cliqua sur le lien, mit la vidéo en plein écran et monta le volume sonore.

La Poire mit quelques instants à comprendre.

Il reconnut le miroir de son salon, et une partie de son intérieur dans le reflet.

Lorsque la voix d'Alpha commença à parler, il comprit qu'il ne rêvait pas.

« Je me trouve actuellement au domicile de l'un des policiers chargés de m'arrêter. J'y suis entré par effraction. »

— C'est chez moi..., dit la Poire, glacé, à l'intention de ses collègues.

— Merde, c'est vrai ! Je reconnais, c'est chez lui ! s'exclama Théo, éberlué devant ce qu'il voyait.

Tous les policiers se mirent à réagir et à questionner les deux hommes, créant un véritable tapage.

— BON SANG, TAISEZ-VOUS ! ordonna Euvrard, lui-même sous le choc. On n'entend pas ce qu'il dit !

La caméra défilait dans le salon de la Poire. Alpha s'approchait de ses photos encadrées, le désignait par son nom et par son grade ; il savait parfaitement qui il ciblait.

Puis il s'approcha du tiroir. Il filma les médicaments. L'Androcur.

« Délinquants sexuels... », « castration chimique... », « prise de sang... », « recherche ciblée... », « déshonneur de la police française... ».

Le sol se déroba sous les pieds de la Poire. Les murs se rapprochèrent, puis s'écartèrent, puis tanguèrent ou bien peut-être était-ce lui qui tanguait.

L'espace d'un instant qui dura une éternité, la Poire entendit les paroles d'Alpha résonner dans son crâne, rebondir comme une balle de ping-pong dans un bocal secoué.

Il se sentit pris dans un travelling compensé. La Poire revit des images de son été à la Chênaie. À cette époque, il faisait très souvent allusion aux Dents de la mer, un film qu'il adorait, et Sully, à son écoute, avait entrepris de lui expliquer le secret de l'une des séquences mondialement connues ; celle où Roy Scheider, assis sur la plage face à la mer, découvrait la présence du requin parmi la foule des baigneurs. Pierre-Yves avait placé l'enfant sur un fauteuil roulant en lui confiant sa caméra 16 mm, puis le maître avait fait avancer le fauteuil en un travelling avant et dit à l'enfant de dézoomer en même temps. La perspective de ce qu'il voyait s'en trouvait chamboulée, suggérant un trouble extraordinaire du personnage. Hitchcock, lui avait dit Pierre-Yves, avait été le premier à se servir de cet effet dans Sueurs froides, pour suggérer le vertige de James Stewart.

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