Le Traité Du Rebelle by Ernst Jünger

Le Traité Du Rebelle by Ernst Jünger

Auteur:Ernst Jünger [Ernst Jünger]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Allemande
Éditeur: Tryphon - TAZ
Publié: 2013-05-08T22:00:00+00:00


XXII

Parvenu à ces frontières, l’homme est soumis à une épreuve théologique, qu’il en ait ou non conscience. Du reste, il ne faudrait pas attacher trop d’importance à ce terme. L’homme est interrogé sur ses valeurs les plus hautes, sa vue de l’univers et le rapport de son existence à celui-ci. Une telle interrogation peut se passer de mots ; bien plus, elle élude les paroles. Et les termes en lesquels est formulée la réponse, la lettre des professions de foi, importent peu.

Nous laisserons donc les Eglises de côté. Qu’elles gardent des trésors encore inépuisés, notre temps l’atteste, plus que tout autre, par des signes frappants. L’un des plus remarquables se trouve dans la tactique de leurs ennemis et surtout de l’Etat, pour autant qu’il vise au pouvoir absolu. Volonté dont découle nécessairement la persécution religieuse. A ce stade, il est contraint de traiter l’homme en être zoologique, soit que les théories en vigueur le classent selon des catégories économiques, ou de tout autre manière. On parvient ainsi, pour commencer, aux abords de l’utilitarisme brut, puis à ceux de la bestialité.

Il faut envisager, d’autre part, le caractère institutionnel des Eglises, leur aspect d’organisation humaine. Sous ce rapport, elles sont constamment menacées de sclérose et de voir se tarir leurs dons. C’est ce qui donne à tant de cultes leur allure morne, machinale, absurde, aux dimanches leurs tourments, aux sectes leur raison d’être. L’institution est en elle-même le point vulnérable ; l’édifice rongé par le doute s’effondre un beau matin, à moins qu’il ne se transforme simplement en musée. Il faut concevoir des temps et des lieux où l’Eglise n’existe plus. L’Etat se voit alors obligé de combler d’une manière ou de l’autre le vide que provoque son déclin, ou qui se révèle à ce moment – prétention qui le mène à l’échec.

Pour ceux qui ne se laissent pas repaître de viandes creuses, le moment est alors venu de recourir aux forêts. On y verra contraint le prêtre-né, qui croit qu’il ne peut y avoir de vie supérieure sans sacrement et qui se donne pour tâche d’apaiser cette faim humaine. Il est ainsi conduit vers les forêts et vers une existence qui, sous le coup des persécutions, revêt toujours les mêmes formes et a souvent été décrite, comme dans la légende de saint Polycarpe ou les mémoires de l’excellent Aubigné, qui fut grand-écuyer d’Henri IV. Parmi les contemporains, il faudrait citer ici Graham Greene et son roman, The power and the glory, avec son arrière-plan tropical. Mais, bien entendu, en ce sens, tout est forêt ; elle peut aussi se trouver dans le faubourg d’une grande ville.

Il s’agit encore de l’exigence de tout être humain, pour autant qu’il ne se résigne pas à l’embrigadement zoologique. Nous touchons ici au point essentiel des souffrances d’à présent, au grand creux que Nietzsche a nommé l’extension du désert. Le désert croît : c’est le spectacle de la civilisation, avec ses rapports qui se vident de leur sens. Dans un tel paysage, la question des provisions



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