Le Souci de l'Art chez Emmanuel Levinas by Danielle Cohen-Levinas

Le Souci de l'Art chez Emmanuel Levinas by Danielle Cohen-Levinas

Auteur:Danielle Cohen-Levinas [Cohen-Levinas, Danielle]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782845782822
Éditeur: Manucius
Publié: 2013-04-19T04:00:00+00:00


Le second point me permettra de revenir à Levinas, à sa démarche, à son mode d’écriture – à son Dit. Et d’énoncer une difficulté à laquelle Levinas ne se heurte pas ici pour la dernière fois. Les mots de la philosophie – ceux de Totalité et infini, par exemple, ou ceux de Hors sujet, ou, mieux : ceux de « La transcendance des mots » – sont-ils de quelque façon affectés par la même transcendance que ceux de l’autoportraitiste ? Qu’en est-il du langage qui désenclave la pensée d’elle-même ? Y a-t-il des mots que la transcendance ne travaille pas ? Et si oui, quel statut leur accorder ? On voit que cette question déplace singulièrement le problème qui devient du coup celui de la philosophie dans son procès. Les choses sans doute deviendront dans l’œuvre de Levinas de plus en plus explicites, mais on peut dire que dès cette époque la question de l’écriture de la philosophie se pose à lui de façon aiguë et que « La transcendance des mots », mimant le commentaire, annonce à sa manière latérale les développements d’ Autrement qu’être (ou du début de Totalité et infini) sur la nature de la langue philosophique, sur son mode paradoxal s’il est vrai que la parole de pensée ramène nécessairement au Même tout ce qu’elle touche. Le problème auquel est confronté Levinas est peut-être celui-là même auquel il dit que Leiris est confronté : misant tout sur l’écrit quand c’est la parole qui importe – qui est transcendante. C’est le problème au fond de Socrate dans le Phèdre, fustigeant l’écrit quand ses paroles sont écrites par celui qui le lui fait dire…

D’où l’importance de la remarque presque liminaire que Levinas consacre au style performatif de Leiris : « La chimie [de Michel Leiris] devient le contenu propre du récit, à la fois œuvre d’art proposée et réflexion sur l’essence de cet art. Ce qui en somme, se rattache bien à la tradition de la poésie française de Mallarmé à Blanchot où l’émotion qui constitue la matière de l’œuvre est l’émotion même de la formation de cette matière ».

Par cette notation, il me semble que Levinas dit sa solidarité profonde avec Leiris, et qu’il revendique presque explicitement d’être crédité d’un travail comparable, sinon équivalent, sur son outil d’expression. Levinas fait partie à mes yeux du petit nombre de philosophes (Platon, Descartes, Derrida…) pour qui le véhicule de la pensée fait partie de la pensée ; du petit nombre de philosophes qui savent qu’ils sont écrivains, et que la philosophie doit assumer cette condition qui l’entrave en même temps qu’elle est sa raison d’être. Nombreux sont les textes où Levinas évoque le moment où il parle et la manière dont il parle dans la thèse même qu’il soutient – forgeant donc son outil en même temps qu’il le théorise et qu’il le met en œuvre.

Cela ne signifie pas, bien sûr, que le langage de celui qui écrit Autrement qu’être serait, parce que son titre le dit au fond,



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