Le silence de la Terre-Voyage à Vénus-Cette hideuse puissance by Lewis C.S

Auteur:Lewis,C.S. [Lewis,C.S.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique
Éditeur: OPTA
Publié: 1967-03-23T23:00:00+00:00

CHAPITRE 10

Le sommeil devint, en effet, son principal problème. Pendant de longues heures, fatigué et crispé, il essaya de ne pas prêter attention à l’incessante répétition de son nom. À un moment donné, il devint conscient qu’il entendait une conversation dont il n’avait pas écouté le début ; il sut ainsi qu’il avait dormi. La voix de Weston parlait, doucement et incessamment. Elle ne parlait ni de la Terre Fixe ni de Maleldil. Elle semblait conter, avec talent et sentimentalité, un certain nombre d’histoires ; au début, Ransom ne perçut aucun rapport entre elles, sinon qu’il s’agissait toujours de femmes, mais de femmes qui avaient vécu à des périodes différentes de notre histoire, et dans des circonstances qui n’avaient rien de commun. Les questions posées par la Dame faisaient apparaître que ces histoires contenaient bien des points qu’elle ne pouvait comprendre. Mais, chose curieuse, le Non-Homme ne paraissait pas y prendre garde. Si les questions soulevées par une des histoires étaient trop difficiles, il abandonnait simplement l’histoire en question et en commençait immédiatement une autre. Les héroïnes de ces récits connaissaient en général de grandes souffrances : elles étaient opprimées par des pères tyranniques ou rejetées par leurs maris, ou abandonnées par leurs amants. Leurs enfants s’étaient tournés contre elles et la société les rejetait. Mais l’histoire se terminait toujours bien, en quelque sorte : parfois l’héroïne était couverte d’honneurs et d’éloges mais, le plus souvent, les éloges n’étaient adressés qu’à une morte sur laquelle on versait bien tardivement des larmes de repentir. Tandis que le discours interminable continuait sans relâche, les questions de la Dame se faisaient de plus en plus rares. Apparemment, la simple répétition des mêmes termes finissait par créer dans son esprit une sorte de compréhension de mots tels que Mort ou Douleur – mais il était impossible de savoir quel sens exact elle leur donnait. Ransom finit par comprendre quel était le point commun de toutes ces histoires : chacune de ces femmes avait bravé, seule, un risque terrible pour ses enfants, son amant ou pour son peuple. Chacune avait été incomprise, rabaissée, persécutée, mais magnifiquement justifiée et glorifiée par les événements. Les détails étaient souvent difficiles à suivre, mais Ransom eut l’impression que nombre de ces nobles pionniers étaient ce que nous appelons des sorcières ou des apostats. Mais cela restait dans l’arrière-plan. Ce qui dominait ces récits, c’était une image plutôt qu’une idée : l’image d’une femme grande et mince portant sans effort le poids du monde sur ses frêles épaules, avançant seule et sans peur vers des régions ténébreuses pour y faire pour les autres ce que les autres interdisaient de faire mais dont ils avaient néanmoins besoin. En arrière-plan à ces créatures presque divines, le narrateur brossait un tableau de l’autre sexe. Il n’en parlait jamais directement, mais on sentait la présence d’une grise multitude de créatures tristement enfantines, arrogantes et satisfaites, timides et méticuleuses, mais opposées au changement, indolentes et paresseuses, ennemies de tout effort et de tout risque –

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