Le Sanctuaire by Laurine Roux

Le Sanctuaire by Laurine Roux

Auteur:Laurine Roux
La langue: fra
Format: epub
Tags: nature, oiseaux, pandémie, liberté, famille
Éditeur: Du Sonneur
Publié: 2020-06-06T16:00:00+00:00


Quand j’ouvre les yeux, le front de June est plaqué contre le mien, il fait jour et ma sœur me regarde. Puis elle se détache pour appliquer un baiser à la naissance de mes cheveux. Un baiser de miel. Je m’en veux de m’être emportée contre elle. Peut-être est-ce moi qui nous mets tous en danger ?

Après les galettes du matin, je décroche mon arc. Échaudée par ma blessure, Maman hausse le ton : je n’y pense pas, dans mon état ! Je parlemente. Les réserves de viande s’épuisent, l’anniversaire de June approche, a-t-on le choix ? Maman plisse les lèvres. Je connais cette moue. Pour l’apaiser, je jure de faire attention. Elle acquiesce sur un ton qui se veut dégagé, mais son ongle s’acharne trop sur de la sève collée à sa jupe pour que j’y croie vraiment.

J’attrape ma veste, balaie ma mauvaise conscience d’un geste vif quand June saisit mon poignet : Maman a raison, fais attention Gemma. Je marque une pause, promets d’être prudente. June continue de me scruter, à la recherche d’une raison plus profonde d’avoir confiance. Je suis incapable de la lui offrir.

Je pousse la porte.

Dans la forêt, tout – mousses, herbes, toiles d’araignée – est ocellé de rosée. Le bas de mon pantalon se plaque à mes mollets, j’aurais dû chausser mes guêtres. Depuis ma rencontre avec le vieux, je multiplie les négligences. J’ai intérêt à me montrer plus prudente. Arrivée à la rivière, je bifurque à droite. À mesure que je descends, les conifères laissent place aux feuillus. Leur frondaison épaissit la canopée. Quand on lève la tête, la part du ciel se réduit à des ajours bleus sur une dentelle verte.

À hauteur de la mine, je songe à ce que June m’a dit la veille. Que les arbres sont notre prison. J’observe les hêtres, les bouleaux, les chênes. Le soleil larde la forêt de rais obliques. Existe-t-il des cachots de lumière ? Impossible d’envisager notre vie de la sorte. Mes yeux s’arrêtent sur les liserons. Tout est à leur image. Leurs vrilles gobent la carcasse de la Ford, submergent le monde ancien. Notre avenir est ici, dans cet asile de verdure, l’azur en cuirasse. Machinalement je lève les yeux au ciel. Pas la moindre trace de l’aigle.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.