Le Samouraï by Kirk David

Le Samouraï by Kirk David

Auteur:Kirk, David [Kirk, David]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2014-04-10T16:00:00+00:00


Chapitre 10

Une semaine s’était écoulée. Les herbes de Miyamoto ondoyaient aux pieds de Munisai. Les longues tiges échevelées étaient rêches et jaunes comme la paille, mais ça lui était égal. Tout ce qui comptait à ses yeux était d’éprouver une sensation et d’être de retour chez lui. Au cours des derniers jours, il avait pu mesurer le prix de ces deux choses.

Il s’accroupit, le cœur battant après l’effort. C’était une impression délicieuse, et il lui semblait sentir la chaude pulsation de son sang vigoureux jusqu’à l’extrémité de ses doigts. Son souffle régulier soulevait le duvet de sa barbe.

Du haut de la crête, il contemplait Miyamoto. Les champs étaient secs, on avait rentré les récoltes et la balle mise en bottes attendait d’être brûlée. De l’autre côté de la vallée, une petite paysanne avait relevé ses jupes pour patauger dans les eaux basses d’un fossé d’irrigation, acclamée par ses camarades. Sa mère, furieuse, vint la tirer de l’eau et la gronda, en vain.

Dans le ciel, un vol d’hirondelles s’en allait vers l’océan, fuyant l’hiver qui s’annonçait pour des contrées plus clémentes. Au moment de changer de cap, la colonie plana un instant dans les airs, cent petits corps pivotant avec ensemble, comme s’ils avaient senti le regard de Munisai.

Bennosuke était près de lui. Vivant.

Ils avaient choisi ce lieu pour s’entraîner, car Munisai étouffait entre les murs du dojo. Pendant les deux semaines où ses pieds avaient cicatrisé, le garçon avait accumulé des réserves d’énergie, et maintenant qu’il était rétabli, il ne lui avait pas fallu bien longtemps pour épuiser Munisai. Lui-même était à peine essoufflé.

– J’ai réfléchi, sire.

– À quel sujet ?

– À ce que nous ferons quand les Nakata viendront nous trouver.

– Oh, je vois.

Le retour de Munisai d’Okayama datait seulement de la veille au soir. Son geste aurait de lourdes conséquences, et il lui restait un certain nombre de détails à régler. Pour l’instant, il n’avait pas eu le temps de s’en expliquer à Bennosuke. Épuisé par sa vitalité, il n’avait pas eu la force de lui parler.

– On pourrait monter sur cette crête, là-bas, suggéra le garçon, désignant un lointain affleurement rocheux avec le sabre en bois qu’il venait d’utiliser. Voyez-vous comme le roc s’affine au sommet ? Là, ils ne pourraient ni nous cerner ni nous surprendre par-derrière, et ils seraient obligés d’attaquer par petits groupes. Ce serait plus équitable pour nous.

– Il n’en est pas question, répondit Munisai.

– Sire, vous pensez que votre blessure a fait de vous un invalide, je le sais bien. Mais même avec une seule main, vous supplanteriez tous les hommes que Nakata pourrait vous envoyer. Je me tiendrais sur votre gauche afin de protéger votre bras malade. Si nous faisons front nous pouvons l’emporter.

– Je t’ai dit non, Bennosuke.

Munisai connaissait l’effervescence qui s’empare d’un homme résolu à agir, et il devinait que Bennosuke l’éprouvait en cet instant. Pauvre garçon, qui s’enflammait en pure perte !

– Nakata ne viendra pas nous combattre.

– Que dites-vous ?

– D’autres dispositions ont été prises.

– Dans quel sens ?

Un long soupir s’échappa des lèvres de Munisai.



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