Le roman d'un jeune homme pauvre by Octave Feuillet

Le roman d'un jeune homme pauvre by Octave Feuillet

Auteur:Octave Feuillet
La langue: eng
Format: epub


20 août.

Enfin cette âme extraordinaire m’a livré le secret de ses orages. Je voudrais qu’elle l’eût gardé à jamais !

Dans les jours qui suivirent les dernières scènes que j’ai racontées, Mlle Marguerite, comme honteuse des mouvements de jeunesse et de franchise auxquels elle s’était abandonnée un instant, avait laissé retomber plus épais sur son front son voile de fierté triste, de défiance et de dédain. Au milieu des bruyants plaisirs, des fêtes, des danses qui se succédaient au château, elle passait comme une ombre, indifférente, glacée, quelquefois irritée. Son ironie s’attaquait avec une amertume inconcevable tantôt aux plus pures jouissances de l’esprit, à celles que donnent la contemplation et l’étude, tantôt même aux sentiments les plus nobles et les plus inviolables. Si l’on citait devant elle quelque trait de courage ou de vertu, elle le retournait aussitôt pour y chercher la face de l’égoïsme : si l’on avait le malheur d’allumer en sa présence le plus faible grain d’encens sur l’autel de l’art, elle l’éteignait d’un revers de main. Son rire bref, saccadé, redoutable, pareil sur ses lèvres à la moquerie d’un ange tombé, s’acharnait à flétrir, partout où elle en voyait trace, les plus généreuses facultés de l’âme humaine, l’enthousiasme et la passion. Cet étrange esprit de dénigrement prenait, je le remarquais, vis-à-vis de moi, un caractère de persécution spéciale et de véritable hostilité. Je ne comprenais pas, et je ne comprends pas encore très bien, comment j’avais pu mériter ces attentions particulières, car s’il est vrai que je porte en mon cœur la ferme religion des choses idéales et éternelles, et que la mort seule l’en puisse arracher (eh ! grand Dieu ! que me resterait-il, si je n’avais cela !), je ne suis nullement enclin aux extases publiques, et mes admirations, comme mes amours, n’importuneront jamais personne. Mais j’avais beau observer avec plus de scrupule que jamais l’espèce de pudeur qui sied aux sentiments vrais, je n’y gagnais rien : j’étais suspect de poésie. On me prêtait des chimères romanesques pour avoir le plaisir de les combattre, on me mettait dans les mains je ne sais quelle harpe ridicule pour se donner le divertissement d’en briser les cordes.

Bien que cette guerre déclarée à tout ce qui s’élève au-dessus des intérêts positifs et des sèches réalités de la vie ne fût pas un trait nouveau du caractère de Mlle Marguerite, il s’était brusquement exagéré et envenimé au point de blesser les cœurs qui sont le plus attachés à cette jeune fille. Un jour, Mlle de Porhoët, fatiguée de cette raillerie incessante, lui dit devant moi : – Ma mignonne, il y a en vous depuis quelque temps un diable que vous ferez bien d’exorciser le plus tôt possible ; autrement vous finirez par former le saint trèfle avec Mme Aubry et Mme de Saint-Cast, je veux bien vous en avertir ; pour mon compte, je ne me pique pas d’être ni d’avoir été jamais une personne très romanesque, mais j’aime à penser qu’il y a encore dans le



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