Le roman du mariage by Unknown

Le roman du mariage by Unknown

Auteur:Unknown
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions de l'Olivier
Publié: 2012-01-08T20:00:00+00:00


Après avoir quitté Paris – de France, ils se rendirent en Irlande, puis ils redescendirent vers le sud et gagnèrent le Maroc via l’Andalousie –, Mitchell prit l’habitude de s’éclipser pour aller dans les églises à chaque occasion. On était en Europe et il y avait des églises partout, cathédrales spectaculaires ou discrètes petites chapelles, chacune encore opérationnelle (bien que généralement vide) et ouverte aux pèlerins errants, même à ceux qui, comme Mitchell, n’étaient pas sûrs de mériter le nom de pèlerin. Dans ces lieux de superstition obscurs, il contemplait les fresques à moitié effacées ou les peintures crues du Christ ensanglanté, plongeait son regard dans des vases contenant les reliques de tel ou tel saint. Ému, solennel, il allumait des cierges en faisant toujours le même vœu déplacé : qu’un jour, d’une manière ou d’une autre, Madeleine soit sienne. Mitchell ne croyait pas au pouvoir des cierges – il était opposé à l’idée de prier pour demander quelque chose –, mais ça lui faisait du bien d’en allumer un pour Madeleine et de penser à elle un moment, dans le calme d’une vieille église espagnole, tandis que, dehors, la mer de la foi se retirait « tout le long des vastes et mornes franges du monde, et sur ses galets nus10 ».

Mitchell avait parfaitement conscience de l’étrangeté de son comportement, mais peu importait, personne n’était là pour le remarquer. Sur des bancs au dossier dur, humant l’odeur de la cire, il fermait les yeux et, aussi immobile que possible, s’ouvrait à l’entité présente susceptible de s’intéresser à lui. Peut-être n’y avait-il aucune entité présente. Mais comment le savoir sans tenter d’entrer en contact avec elle ? C’était ce que faisait Mitchell : il envoyait un message à l’administration centrale.

Dans les trains, les cars et les bateaux qui les emmenaient d’un endroit à l’autre, Mitchell lisait un à un les livres que contenait son sac à dos. Après L’Imitation de Jésus-Christ (la pensée de Thomas a Kempis était difficile d’accès) et les Confessions de saint Augustin (certains passages étaient surprenants, notamment ceux où il parlait de sa jeunesse onaniste et de sa femme africaine), Le Château de l’âme, de sainte Thérèse d’Avila, se révéla passionnant de bout en bout. Mitchell le dévora en une nuit, sur le ferry qui les emmena du Havre à Rosslare. Depuis la gare Saint-Lazare, ils étaient allés en Normandie voir le restaurant où Larry avait travaillé lorsqu’il était au lycée. Après un déjeuner pantagruélique avec la famille des propriétaires, chez laquelle ils avaient ensuite passé la nuit, ils avaient rejoint Le Havre pour prendre le ferry. La mer était agitée. Les passagers restaient éveillés au bar, ou ils essayaient de dormir, allongés sur le sol de la cabine ouverte. Explorant la cale, Mitchell et Larry se retrouvèrent dans un salon inoccupé réservé aux officiers, avec couchettes et jacuzzi, et, dans ce luxe usurpé, Mitchell lut le récit de la progression de l’âme vers l’union mystique avec Dieu. Le Château de l’âme décrivait une vision qu’avait eue sainte Thérèse à ce sujet.



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