Le Rêve brisé: Austromarxisme, social-démocratie et Anschluss (1918-1934) (French Edition) by Favrat Mathias

Le Rêve brisé: Austromarxisme, social-démocratie et Anschluss (1918-1934) (French Edition) by Favrat Mathias

Auteur:Favrat, Mathias [Favrat, Mathias]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2020-04-20T16:00:00+00:00


Dans le contexte de l’après-guerre, ce désir était tout à fait compréhensible puisque l’Autriche « indépendante » était complètement soumise au bon vouloir de la France et de l’Angleterre et ne pouvait par conséquent engager aucune action de son propre chef. Au congrès de Gênes en avril 1922, le nouveau gouvernement Schober obtint de maigres résultats sur le contrôle des recettes fiscales et douanières, hypothéquées jusqu’alors par le traité de paix [209] . Cependant, l’attitude des vainqueurs n’était pas seulement le résultat de l’angoisse concernant les revendications révisionnistes. Un rapport de la SDN rendu public en 1925 affirmait que : « L’importance du rôle que continue à jouer la banque viennoise dans les pays danubiens est une des raisons de l’intérêt croissant que témoignent à la banque de Vienne les grandes institutions de crédit de l’Europe occidentale et de l’Amérique. Les participations des banques et groupes financiers étrangers dans les cinq grandes banques de Vienne sont devenues considérables depuis la guerre » [210] . La décision des pays de l’Entente d’interdire l’Anschluss ne fut donc pas prise à la légère. Elle exprimait certes la volonté de pénaliser l’Allemagne et ses alliés après les massacres de la Première Guerre mondiale, mais elle était aussi le point clé d’une stratégie d’expansion économique en Europe centrale. Car, si l’Autriche se retrouvait privée de son grand espace économique, elle n’en gardait pas moins des liens financiers importants avec les pays de l’est. Sous la monarchie, les banques autrichiennes avaient la mainmise sur les investissements dans les provinces et y avaient installé de nombreuses succursales. Par exemple, entre 1867 et 1914, 6,8 milliards de couronnes furent transférés en Hongrie, ce qui représentait pour ce royaume 40% des investissements venus de l’ « étranger ». Si on prend le cas du réseau ferré, il passa en Autriche-Hongrie de 1 392 kilomètres en exploitation en 1854 à 15 183 km en 1879, le tout financé soit par l’Etat, soit par des fonds privés, notamment ceux des Rothschild. De 1852 à 1907, la Banque nationale établie à Vienne était passée de 6 succursales, essentiellement en Cisleithanie, à 53 sur l’ensemble de la double monarchie [211] . Après la guerre, celles qui étaient privées restèrent propriété autrichienne et représentaient des passerelles économiques intéressantes pour la France, l’Angleterre et indirectement pour les Etats-Unis. Or, cette stratégie impliquait que l’Autriche soit dépendante du Capital occidental et que les frontières de 1919 soient garanties.

Selon Félix Kreissler, « les actionnaires occidentaux ne voulurent pas admettre que l’inflation fût arrêtée uniquement avec l’aide des banques autrichiennes ; d’après eux, l’Autriche devait contracter des emprunts étrangers et de cette façon accorder à l’étranger une influence sur l’économie nationale et partant sur la politique. En outre, chaque semaine qui s’écoulait voyait s’accroître l’inflation, c'est-à-dire qu’acquérir avec des devises étrangères propriétés et influence en Autriche devenait meilleur marché, au dépend du peuple autrichien » [212] . Ainsi, la dénonciation par les sociaux-démocrates de l’impérialisme de l’Entente et de l’irresponsabilité des banques n’était pas dénuée de fondements. En



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